Non, en Syrie, la guerre n’est pas finie !

Après huit années de conflits aux multiples facettes, le redressement de la Syrie est encore lointain. Les ingérences perdurent, les poches de djihadistes sont encore présentes, et ce malgré le silence complice des médias occidentaux. Récemment, en raison de l’offensive sur Idlib, les États Unis accentuent et durcissent les pressions diplomatiques et sanctions économiques sur Damas et ses alliés.

Un quotidien ordinaire?

Il est vain de penser que la page de la guerre est tournée. L’illusion d’une vie normale n’est que le miroir des aspirations syriennes. Pourtant, il est vrai, la vie reprend son court dans une majeure partie de la Syrie. Les habitants, habitués à l’insécurité et aux bombardements, renouent tant bien que mal avec leur quotidien d’antan. Les bars et les restaurants réouvrent progressivement et la coexistence communautaire semble demeurer intacte. Leur hantise est de connaître le scénario libanais avec sa stricte division territoriale et religieuse. De nombreux habitants me témoignent avec fierté et attachement « avant la guerre, la Syrie était un paradis ». Enracinée dans un patriotisme viscéral, la population des villes veut faire fi des horreurs de la guerre. Aujourd’hui, force est d’admettre que la solidité du gouvernement syrien réside dans la nostalgie de son peuple. Nostalgie alimentée par un discours baathiste bien rodé sur l’unité arabe et contre l’impérialisme “americano-sioniste”. Damas manie à la perfection la démagogie orientale. La sémantique est précise et reprend soigneusement les problématiques fédératrices régionales.

Cependant, et c’est là que réside le cœur du problème, la guerre est loin d’être terminée. Les lois d’amnisties ne sont qu’un leurre. Les populations ayant résisté avec l’aide de l’armée syrienne se voient aujourd’hui contraintes de tendre la main à leurs ennemis d’hier. Pour la plupart d’entre elles, c’est un coup de couteau dans le dos. Mais le gouvernement peut il faire autrement, s’il souhaite sanctuariser son territoire au détriment de sa politique des minorités ?

Une résistance djihadiste entretenue

Aujourd’hui, la communauté internationale et ses relais locaux sont pointés du doigt par une population à bout de souffle dans les régions limitrophes d’Idlib. Le dernier bastion terroriste n’est pas tombé comme s’en vante la presse internationale. Il est encore massivement présent dans la banlieue et campagne d’Idlib, qui s’étend à l’est vers Alep, à l’ouest vers Lattaquié, au Sud vers Hama et au Nord sur la frontière turque. Selon les habitants environ 50 000 djihadistes résident encore dans cette région, majoritairement issus de la mouvance de Hayat Tahrir al-Sham (anciennement Al-Nosra). Ces derniers violent régulièrement les cessez-le-feu qu’ils ont eux-mêmes demandés par le biais de la Turquie. Cette zone est quadrillée par des postes d’observations, à l’intérieur du côté djihadiste par les Turcs et à l’extérieur par les Russes et ce à la demande du gouvernement syrien.

Depuis le lancement de l’offensive russo-syrienne sur la localité d’Idlib en avril dernier, de nombreux villages ont été repris par les forces armées syriennes. C’est le cas de plusieurs villages chrétiens de Mhardé et de Squellbiyé ainsi que des zones alaouites et ismaéliennes qui ont fait l’objet d’importantes pertes civils et matériels. Subissant les bombardements aléatoires depuis le début du conflit, ces zones ont formé différentes milices pour suppléer le rôle de l’armée afin de se défendre. « Les forces de défense patriotique », milice chrétienne, défendent héroïquement leur ville. Ils reçoivent officiellement l’aide russe et officieusement l’aide iranienne. À peine plus âgés que 20 ans, les miliciens ont du abandonner leurs études ou leurs travails pour prendre les armes. Durant 8 ans, ils ont empêché la jonction entre Idlib et la ville d’Hama, principal foyer des Frères musulmans en Syrie.

Certains civils regrettent le temps d’Hafez Al Assad, affirmant qu’avec lui, la guerre n’aurait duré qu’un mois. Certains me confirment avec véhémence « à cause des puissances occidentales, cette guerre dure depuis 8 ans, et elle a fait plus de 350 000 morts, en 1982 il y avait pas les droits de l’Homme pour s’ingérer dans notre pays ». En effet, dès que les djihadistes d’Idlib se sentent acculés, ils font pression sur leurs parrains turcs pour imposer un énième cessez le feu. Monsieur Simon, chef de guerre dans le village de Mhardé, déclare « depuis 2016, on peut les renvoyer jusqu’à la frontière turque ». Le dénouement du conflit dépend plus du bon-vouloir des grandes puissances que des forces en présence. Malheureusement pour les Syriens, certaines puissances ont intérêt à ce que le conflit s’éternise.

Dernièrement, le Président américain, Donald Trump a ordonné l’arrêt immédiat des combats à Idlib sous peine d’une réponse violente de la part du Pentagone. Pourtant, aujourd’hui, force est d’admettre que les affirmations des dirigeants occidentaux ne font pas preuve. Récemment, Wikileaks a révélé des documents qui démentent catégoriquement les mensonges sur l’attaque chimique de 2018 à Douma. Prétexte fallacieux qui avait donné lieu aux bombardements de la Syrie en avril 2018 par les États-Unis, la France et la Grande Bretagne.

La Syrie est l’exemple contemporain d’une guerre de l’informations. Par le biais des relais locaux et des réseaux sociaux, deux versions se font face. Deux grilles de lectures totalement opposées modèlent les relations internationales. D’un côté les médias occidentaux, dans une posture droit de l’hommiste et émotionnelle, montrent en boucle les nombreux habitants fuyant les bombardements d’Idlib pour incriminer Bachar al Assad et de ses alliés. De l’autre, les médias russes, iraniens et certaines chaînes arabes, dans une logique de pure realpolitik, stipulent que cette offensive russo-syrienne vise à annihiler la dernière menace terroriste présente en Syrie.

Des sanctions qui accentuent la crise.

La récente réouverture de l’ambassade Emiratis à Damas, suivie prochainement de celle du Bahreïn n’est qu’un nouveau repositionnement stratégique. La course aux investissements étrangers est lancée. Le Golfe ne veut pas rater une occasion de contrarier les intérêts iraniens au Levant.

L’histoire se répète. La stratégie néoconservatrice américaine refait des siennes avec le scénario syrien. Bachar Al Assad est toujours Président de la République arabe syrienne. Or l’administration de Donald Trump, sous la pression de l’AIPAC (American Israel Public Affairs Committee), suivie par les Européens et les principales monarchies du Golfe, veut asphyxier économiquement la Syrie par le jeu des sanctions. À l’instar des sanctions imposées à l’Iraq dans la décennie 90, ces dernières ont pour conséquence d’appauvrir le peuple à défaut de faire tomber son Président.

En plus de ne pas jouir pleinement de l’intégralité de ses zones pétrolières, la Syrie subit de plein fouet une augmentation des prix du pétrole et du gaz. Pourtant, le Nord-Est syrien est riche en or noir. Toutefois, cette région est toujours contrôlée par les milices arabo-kurdes et massivement soutenues par les Occidentaux qui y maintiennent des forces spéciales. Dès que l’armée gouvernementale syrienne tente de se rapprocher de la région au Nord-Est de l’Euphrate, elle subit des raids aériens sur ses positions.

Dans son style erratique, le Président américain, Donald Trump a le mérite de parler à visage découvert. Il a affirmé que la présence de troupes américaines en Syrie était principalement liée au contrôle des puits de pétrole.

Tout comme le dossier iranien, les sanctions occidentales n’ont pas l’effet escompté. Le peuple ne se retourne pas massivement contre son gouvernement. Conscients des difficultés sociales et économiques, les habitants connaissent les tenants et les aboutissants des sanctions. Dans une région aussi instable que le Moyen-Orient, les ingérences ont façonné le cours des deux derniers siècles. Cette sémantique anti-occidentale est reprise par les relais médiatiques locaux, à l’instar de l’agence de presse officielle du gouvernement syrien Sana ainsi qu’Al Manar et Al Mayadeen, respectivement proche politiquement de Téhéran et de Damas. C’est un sujet quasi-consensuel, les Syriens affirment que « Les États-Unis et leurs alliés veulent créer une deuxième révolution parce qu’ils n’ont pas réussi avec la première ».

Une chose est sûre, « l’axe de la résistance », de Téhéran à Beyrouth en passant par Damas, sape les objectifs de l’alliance Riyad- Washington- Tel-Aviv. Les sanctions sont là pour rappeler que l’administration américaine agit à sa guise quand ses intérêts sont en danger, quitte à étouffer les populations locales…

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