Que veulent les Américains au Moyen-Orient ?

Le récent assassinat, le 3 janvier 2020, du chef des forces iraniennes d’Al Qods, Qassem Suleimani, corrobore l’omnipotence des Etats-Unis au Moyen-Orient. Quand leurs intérêts sont en danger, ils agissent à leur guise, faisant fi du droit international. Les pays de la région n’ont pas attendu l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche pour subir les ingérences américaines.

Depuis un siècle, les Etats-Unis s’immiscent régulièrement dans la région pour diverses raisons. Initialement économiques, les desseins du Pentagone évoluent à l’aune de la conjoncture. Gendarmes du monde pour les uns, fossoyeurs des nations indépendantes pour les autres, aujourd’hui le rôle de la première puissance militaire mondiale est plus que jamais contesté. L’unilatéralisme américain sème le désordre et pousse la région vers des conséquences ravageuses. Il est impératif de revenir sur les déboires de la politique américaine au Moyen-Orient.  

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L’or noir comme prétexte d’ingérence :

Dès les années 30, les Américains s’intéressent à la région. Ils nouent des relations commerciales avec le jeune royaume saoudien pour le forage et l’extraction du pétrole dans l’est du pays. Le pétrole étant un commerce juteux, les Etats-Unis investissent durablement en Arabie Saoudite, au point de signer un consortium avec la première compagnie du pays ARAMCO (Arabian American Oil Company) en 1944. Dès lors, le régime saoudien est devenu le premier partenaire des Etats-Unis dans la région. Bien que diamétralement opposés, ces deux pays partagent les mêmes objectifs: la lutte contre le nationalisme arabe inféodé à l’Union soviétique.

Depuis la chute du bloc communiste en 1989, les Etats-Unis règnent sur l’échiquier mondial. Cette domination se traduit par l’intervention militaire unilatérale en Irak en 2003. Intervention injustifiée pour des raisons erronées, ayant conduit à la destruction de tout un pays. En effet, l’Irak de Saddam Hussein ne détenait pas des armes de destruction massive et ne finançait pas la mouvance terroriste d’Al Qaeda. Officieusement, les Américains sont intervenus pour évincer le Président irakien, vassaliser le pays et profiter de ses ressources pétrolières.

Aujourd’hui encore, le pays est ruiné, l’anarchie et le confessionnalisme ont supplanté le rôle de l’État. Les Etats-Unis entretiennent ce chaos pour s’implanter durablement dans la région. En effet, après avoir retiré ses soldats d’Irak en 2011, ils sont de nouveau renvoyés en 2014 pour contrer l’avancée de Daesh. Cette entité terroriste, profite et prospère suite aux conséquences de l’intervention américaine de 2003.

La logique américaine est d’imposer une « pax americana » à l’ensemble de la région. Tout pays qui s’y oppose est sujet aux pressions militaro-économiques.

Depuis 2011, la Syrie, alliée indéfectible de l’Iran, et riche en hydrocarbures à l’est du pays subit de nombreuses ingérences. En effet, l’opération de la CIA « Timber Sycamore » a financé des milliers de « rebelles » pour chasser Bachar Al-Assad et fragiliser « l’axe de la résistance ». Axe qui relie Téhéran à Beyrouth en passant par Damas.

Récemment, Donald Trump, dans son style transparent et erratique, a précisé que les troupes présentes en Syrie étaient là uniquement pour sécuriser les puits de pétrole.

Un soutien inconditionnel à Israël :

Depuis la création de l’État d’Israël en 1948, les Etats-Unis se posent en protecteur de la nouvelle nation. La sécurité de l’État hébreu est une question de politique intérieure américaine. En effet, le puissant lobby sioniste AIPAC (Amercain Israel Public Affairs Committee) oriente la stratégie américaine au Moyen-Orient. Même l’ancien Président Barack Obama, n’étant pas considéré comme « ami » d’Israël, a octroyé avant son départ une aide de 38 milliards de dollars sur 10 ans. Cette aide sert notamment à la modernisation de Tsahal (armée israélienne) et de ses services de renseignements.

L’administration américaine épouse la logique « schmitienne » : l’ennemi de mon allié est mon ennemi. L’exemple égyptien en est symptomatique. Dans les années 50, l’Égypte de Gamal Abdel Nasser était le principal ennemi d’Israël. Après la signature des accords de paix de Camp David en 1978-1979 entre les deux pays, le Caire passe sous protection américaine. À ce jour, l’armée égyptienne est financée en grande partie par les Etats-Unis.

Dès que les pays arabes signent la paix avec Israël, ils bénéficient de l’aide américaine.

C’est également le cas de la Jordanie à partir de 1994. Le cas des monarchies du Golfe est plus complexe. L’entente avec Israël n’a pas encore donné lieu à une signature officielle. Néanmoins, les relations et collaborations sont de plus en plus fréquentes entre les pays du Golfe et l’État hébreu. Alliance, qui se fait au détriment de la cause palestinienne et ce malgré les discours en apparence unitaire et solidaire. Les pays alliés aux Etats-Unis abandonnent donc toute velléité à l’égard d’Israël.

Aujourd’hui, l’axe de Téhéran à Beyrouth devient la seule véritable opposition contre les intérêts américains et israéliens dans la région.

La lutte contre l’Iran :

La République islamique d’Iran est devenu depuis 1979 le meilleur ennemi du Pentagone. Cette rivalité est un prétexte à encore plus de surenchères guerrières, à une militarisation accrue de la région et donc, à un commerce très rentable pour le premier pays exportateur d’armes au monde. À lui seul, l’Iran et ses relais locaux déjouent les plans de Washington. Aujourd’hui, deux axes bien distincts s’opposent dans la région ; un axe pro-américain qui regroupe les pays du Golfe et Israël et l’axe iranien qui est un ensemble d’alliances hétéroclites présent en Syrie, en Irak, au Liban, au Yémen et en Palestine.

Tant que l’Iran ne se soumettra pas aux intérêts américains, le pays des mollahs subira des pressions militaro-économiques.

Le mauvais élève de la région contrarie les plans américains. Pourtant, en Syrie et en Irak, l’Iran a combattu Daesh et tous les groupuscules terroristes. Contrairement à ce qui est évoqué dans les médias traditionnels, la politique iranienne n’est pas uniquement basée sur une logique d’expansion pan-chiite. Ils ont libéré de nombreuses zones chrétiennes dans la plaine de Ninive en Irak, et dans les régions d’Alep et de Homs en Syrie.

L’Iran étend ses capacités de nuisances au Moyen-Orient. En finançant le Hezbollah libanais et le Hamas, l’Iran devient le principal ennemi d’Israël.  

De surcroît, cette tension permanente avec l’Iran est à replacer à l’échelle mondiale, celle de la guerre commerciale américano-chinoise. En effet, l’Iran souhaite contourner les sanctions économiques imposées par Washington en se rapprochant de la Chine. La Chine est le premier partenaire commercial de la République islamique d’Iran. Dans une nécessité de « dédollarisation », l’Iran vend son pétrole et son gaz en yuan et non en dollar.

En assassinant le numéro 2 iranien, les Américains veulent savoir jusqu’où l’Iran est prêt à aller dans l’escalade des tensions. Cette élimination, à l’instar de celle de Ben Laden en 2011, répond à une logique électorale. En tuant, l’homme de main de la politique étrangère iranienne, Donald Trump sait pertinemment qu’il vient de lancer sa campagne présidentielle.

Au lendemain de la mort de Qassem Souleimani, les principaux dignitaires iraniens promettent une vengeance sanglante. Pour l’image d’un Iran résistant et opposé aux intérêts américains dans la région, il faut une réponse, aussi symbolique soit-elle.

Dès lors, tous les regards sont tournés vers l’Iran. Washington attend et place Téhéran en porte-à-faux. Tout agissement mal intentionné aura de très graves répercussions sur l’ensemble de la région.

Bibliographie :

  • https://www.monde-diplomatique.fr/1989/08/HALIMI/9427
  • Maxime Chaix, « La guerre de l’ombre en Syrie », Erick Bonnier, 2019
  • Ahmed Bensaada, « Arabesque$ », Investig’Action, 2015
  • John Mearsheimer, Stephen M. Walt, « Le lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine », Broché, 2009

Une réponse sur “Que veulent les Américains au Moyen-Orient ?”

  1. Actuellement, il semblerait que la chine n’achète plus de pétrole à l’Iran sous la pression américaine
    A vérifier, mais si cela est confirmé, la pression sur ce pays ne risque-t-elle pas d’amener à un renversement de gouvernement ?
    L’effet du renouveau du sentiment nationaliste provoqué par l’assassinat du numéro 2 pourrait n’être que provisoire.

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