Israël-Palestine: le conflit oublié

Cette guerre asymétrique ne fait plus l’actualité. Auparavant, la région était perçue uniquement sous le prisme de l’affrontement israélo-arabe. L’État hébreu cristallisait toutes les craintes régionales. Aujourd’hui, malgré la colonisation systématique, les exactions quotidiennes et le blocus humanitaire de la bande de Gaza, le conflit est de moins en moins médiatisé, et ce au détriment de la cause palestinienne. Le rapprochement de certains États arabes avec Israël et la lutte commune contre l’influence iranienne marginalisent le sort des Palestiniens.

Pourtant, dès la création de l’État hébreu en 1948, la Palestine représentait cet idéal à défendre pour tous les habitants de la région. Retour, sur la déliquescence d’une cause fédératrice.

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« Une nation a solennellement promis à une seconde le territoire d’une troisième »

Cette phrase du journaliste hongrois, Arthur Koestler, résume à elle seule la création du futur État hébreu.

Le 2 novembre 1917, Lord Arthur James Balfour, ministre britannique des affaires étrangères écrit une lettre à Lord Walter Rothschild, porte parole des Juifs britanniques, dans laquelle il annonce que « Le gouvernement de sa Majesté envisage favorablement l’Établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif ». C’est une victoire pour l’enracinement du sionisme et une défaite pour les aspirations nationales arabes. Le sionisme est un mouvement fondé à la fin du XIXème siècle, prônant l’immigration des Juifs en Palestine. Or, à cette époque la Palestine est un territoire où vivait une population arabe musulmane et chrétienne. Cette fameuse déclaration Balfour de 1917, s’est faite sans le consentement des populations locales présentes sur place. Ce texte, est le prélude à de futures tensions ethnico-confessionnelles dans la région.

En effet, dès les années 1920, avec le démembrement de l’Empire ottoman (traité Sykes-Picot) par la France et la Grande Bretagne, des Juifs d’Europe commencent à immigrer en Palestine. Plusieurs révoltes arabes ont lieu à partir de 1935 pour dénoncer le rachat et la spoliation des terres agricoles par des colons juifs (communément appelé le kibboutz).

Jusque là minoritaires, les sionistes évoquent l’Holocauste (le génocide des Juifs durant la seconde guerre mondiale) à des fins politiques. Avec la création de l’État d’Israël en 1948, les Arabes de la région se voient contraints de subir les conséquences des actes qu’ils n’ont pas commis.

La Palestine : cause fédératrice du monde arabe

Dès la promulgation de l’indépendance de l’État hébreu le 15 mai 1948, les armées syrienne, égyptienne, irakienne, jordanienne et libanaise déclarent la guerre au nouvel État. Pour les habitants de la région, la création d’un État juif en terre de Palestine est perçue comme une humiliation. Dès lors, la solidarité à l’égard du peuple palestinien devient viscérale.

Cette guerre se solde par une débâcle militaire des armées arabes, pourtant supérieures en nombre mais désunies face aux Israéliens, aidés et financés par l’Occident. Ainsi, est né le concept arabe de Nakba (catastrophe), représentant l’exode de toute une population. 700 000 Palestiniens fuient vers les pays voisins (Liban, Jordanie et Syrie).

Cette défaite ne sonne pas le glas de la cause palestinienne, un désir de revanche anime les gouvernements de la région. Dans les années 60, un optimisme gagne le monde arabe sous la houlette de Gamal Abdel Nasser. Or, en juin 1967, l’armée israélienne lance une guerre éclair (guerre des six jours), entraînant l’occupation du Golan syrien, du Sinaï égyptien et de la Cisjordanie. C’est une nouvelle humiliation qui cause une nouvelle vague d’immigration palestinienne vers les pays limitrophes. Cette défaite de 1967 met en exergue le retard technologique et l’amateurisme des armées arabes.

Petit à petit, les réfugiés palestiniens reprennent le flambeau de la lutte contre Israël, et ce à l’intérieur des pays d’accueil. En proie à des difficultés internes, ces pays n’épousent pas totalement les revendications palestiniennes. Dès lors, en raison des activités politico-militaires palestiniennes en Jordanie, au Liban et en Syrie, ces pays subissent dans les années 70-80 des bombardements israéliens. Conscients de leurs retards économiques et surtout militaires, le soutien officiel se cantonne de plus en plus à des discours symboliques.

Les nationalistes arabes, de Nasser à Hafez-al Assad en passant par Saddam Hussein, veulent reprendre le flambeau de la lutte contre Israël. Tous n’ont pas les moyens de leurs ambitions. La Palestine devient de plus en plus un fardeau pour les gouvernements, et ce malgré sa grande popularité auprès de la rue arabe.

D’un conflit régional à un conflit local :

On ne parle plus de conflit israélo-arabe, notion qui englobe par essence même tous les pays arabes, mais de conflit israélo-palestinien. En effet, au fil du temps, le problème est devenu encombrant pour les États de la région. Certains ont fait le choix de signer des accords de paix avec Israël (Égypte et Jordanie). D’autres ont décidé de délaisser la cause palestinienne au profit d’un rapprochement de circonstance avec l’État hébreu (l’Arabie saoudite, le Koweït, les Émirats arabes unis, le Bahreïn et le Qatar). Alliance de circonstance qui est dictée par un impératif, celui de s’opposer à l’Iran. L’ennemi de mon ennemi est mon allié.

Les autres États de la région (Liban, Irak, Syrie) soutiennent la cause palestinienne mais n’ont aucun poids politico-militaire pour s’opposer aux desseins israéliens.  

Depuis la révolution islamique d’Iran en 1979, le prisme confessionnel sunnite-chiite ou l’opposition Arabie saoudite contre l’Iran a supplanté le prisme traditionnel israélo-arabe. En effet, les principaux médias n’ont de cesse d’analyser et d’étudier la région sous cette grille de lecture, tout en minorant les particularismes locaux.

Ainsi, Israël avec le soutien inconditionnel des États-Unis a réussi à pacifier une partie de son voisinage avec plusieurs États arabes. De surcroît, l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche a précipité le déclin de la cause palestinienne, en reconnaissant Jérusalem comme capitale de l’État hébreu et en considérant légale la colonisation en Cisjordanie. Les Palestiniens esseulés et fatalistes, sombrent petit à petit dans l’oubli en dépit de quelques escarmouches lancées depuis Gaza.

Aujourd’hui, La colonisation accélérée et illégale des territoires occupés, les exactions et spoliations quotidiennes ne font l’objet que de critiques de « circonstance ». La cause palestinienne est à l’agonie. Cependant, en raison de sa popularité, elle demeure un thème utilisé et instrumentalisé à des fins électorales.

La solution à deux États semble bien loin…

Bibliographie:

– Alain Gresh, « Israël, Palestine: vérités sur un conflit », Poche, 2010

– Noam Chomsky, Ilan Pappé, « Palestine », Broché, 2016

– Ilan Pappé, « Le nettoyage ethnique de la Palestine », Broché, 2008

Une réponse sur “Israël-Palestine: le conflit oublié”

  1. Emmanuel Macron se rend en Israel et dans les territoires palestiniens les 22 et 23 janvier. Une visite essentiellement consacree aux questions memorielles. Depuis au moins dix ans, la France ne considere plus le conflit israelo-palestinien comme une

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