Fauda: Une série israélienne sur Netflix à la gloire du Mossad ?

Conçue initialement pour une audience israélienne, cette série a rapidement conquis le géant américain de l’industrie audiovisuelle. Réalisé par Lior Raz et Avi Issacharoff, ce programme a pour but de montrer au plus grand nombre de téléspectateurs la lutte anti-terroriste dans les territoires palestiniens occupés. Véritable outil du Soft power israélien, cette série commerciale permet à Tel-Aviv de donner une vision tronquée de la réalité sur place. De ce fait, le mouvement BDS (Boycott, désinvestissement et sanctions) ainsi que plusieurs personnalités du monde arabe demandent à Netflix de supprimer la série.

« Par la ruse, nous vaincrons »

Cette devise du Mossad est bien appliquée dans la série. Tous les moyens sont bons pour arriver à leurs fins. En effet, les agents israéliens infiltrés sur le terrain (moustaaribiin en arabe) connaissent tous les us et coutumes de la vie palestinienne. Ils maitrisent parfaitement le dialecte local. Avant leurs opérations, ils choisissent méticuleusement les vêtements et le maquillage à mettre (fausse moustache et teinte des cheveux en noir pour les hommes et hijab pour les femmes).

Dans la première saison, le personnage principal Doron Kabilio infiltre une cellule du Hamas afin d’en savoir plus sur les desseins politiques et militaires du mouvement. Parlant un arabe parfait et obtenant rapidement la confiance des chefs du parti, il est lui même choisi pour commettre le prochain attentat sur Tel-Aviv. Démasqué, il est finalement sauvé par son équipe qui se tenait prête à agir en cas d’échec de la mission. 

Au cours de la deuxième saison, l’intrigue est plus complexe. Le Mossad doit faire face à la naissance d’une cellule de l’État islamique dans les territoires occupés. Le spectateur lambda qui n’est pas familier avec la géopolitique régionale, adhérera à ce scénario. Dans les faits, c’est une toute autre réalité. Il n’y a jamais eu de cellule de Daech (acronyme de l’État islamique) en Israël. Au contraire, peu connu du grand public, Israël a entretenu des relations avec plusieurs groupuscules terroristes en Syrie (notamment Al-Nosra dans les environs du Golan), afin de glaner des informations sur la présence des bases iraniennes et du Hezbollah en Syrie.

Tout au long des deux premières saisons, les infiltrés israéliens sont aidés par des équipes de renseignements. Ils sont équipés d’oreillettes qui leur transmettent des informations en temps et en heure sur la circulation, sur le nombre de personnes présentes sur place, si oui ou non le suspect est visible, s’il est armé ou seul etc. De plus, de nombreux drones survolent la zone d’intervention pour quadriller l’opération. Ils sont à la pointe de la technologie. Ils peuvent traquer et retrouver la trace d’un membre du Hamas rapidement. À l’aide des satellites, ils interceptent les conversations téléphoniques, brouillent les radars, saturent les réseaux. La supériorité technologique est écrasante voire humiliante.

Représentation des Palestiniens dans une série israélienne

De leur côté, les Palestiniens usent d’une technologie rudimentaire, téléphones portables sans connexion internet, des hangars et des parkings d’hôpitaux comme quartiers généraux. Les chefs des différents partis palestiniens se réunissent dans les églises. Tous leurs agissements sont faits en pleine clandestinité. De surcroît, quand ils parlent l’hébreu, ils sont hésitants. Dans son ensemble, la série décrit les prouesses et le courage des services de renseignements israéliens et met en exergue l’amateurisme des Arabes.

Mais ce qui semble être le plus choquant à travers cette série est cette dichotomie des personnages. L’Israélien est, ici, représenté comme un homme aux mœurs occidentales, buvant, fumant, il profite pleinement de la vie. Il est dépeint sous les traits d’un homme rusé, courageux et épris d’éthique et de conscience nationale. S’il doit tuer, c’est pour le bien d’Israël. 

Malgré le point de vue biaisé, la série permet de voir sous quel prisme les Arabes sont perçus. Le Palestinien est directement assimilé à l’ennemi, au méchant. Il est caractérisé par le jeune palestinien Walid Al Abed. Il porte une barbe bien garnie mais mal taillée, de comportement sanguin il agit souvent par irrationalité. La haine du juif est omniprésente dans son discours. D’ailleurs, l’homme décrit est violent, s’il agit c’est uniquement par représailles et par aversion du peuple juif.

La série caricature le Palestinien en un homme prévisible, corrompu, corruptible et même aux mœurs douteuses (l’un des personnages force sa cousine à se marier avec lui). Somme toute, l’Israélien est vu comme un homme courageux et défenseur de sa patrie et le Palestinien comme potentiel tueur d’Israéliens, sans revendication nationale ou historique.

« Diviser pour mieux régner »

Cette maxime corrobore précisément les desseins politiques de l’administration israélienne. Depuis l’émergence de l’islamisme politique et le déclin du nationalisme arabe, Tel-Aviv n’a cessé d’opposer les deux idéologies. En effet, depuis le crépuscule de l’OLP (organisation de libération de la Palestine), le vide politique palestinien a été comblé par l’arrivée des islamistes du Hamas. Les deux principaux partis palestiniens n’arrivent pas à s’entendre. Ils s’opposent régulièrement sur l’attitude à adopter à l’égard des Israéliens. Les politiques israéliens ont favorisé la naissance du Hamas en 1987 pour finalement mieux le combattre. Il est plus facile de convaincre l’opinion internationale sur la nécessité de lutter contre des islamistes enturbannés (le Hamas) que de lutter contre des socialistes arborant le keffieh (OLP). En effet, le Hamas est généralement assimilé à un groupe terroriste, ce qui place automatiquement Israël dans un statut de victime.

Ceci est bien visible dans la série. Les services de renseignements israéliens entretiennent des relations plus que cordiales avec les autorités palestiniennes du Fatah (anciennement l’OLP) en Cisjordanie. Ils vont jusqu’à collaborer ensemble pour capturer les différents suspects. Le Hamas les accuse de traitrise et d’être des fossoyeurs de la cause palestinienne. Cette division alimentée et souhaitée, fait finalement le jeu des Israéliens.

Lors d’une scène dans la saison 2, un dirigeant du Hamas est interrogé par les services de renseignements israéliens. Ayant des informations sur ses relations extra-conjugales, ils arrivent facilement à le faire parler. De plus, dans la série la cause palestinienne est rendue monnayable au prix d’un passeport européen et d’un appartement en Allemagne ou en France. Plusieurs femmes palestiniennes sont prêtes à fournir des informations cruciales pour quitter définitivement la Palestine.

Le point de vue des autorités israéliennes

Cette série épouse pleinement le point de vue israélien sur le conflit. Maquillant la réalité du fait palestinien, Fauda n’évoque jamais les exactions et vexations commises par l’armée israélienne, les nombreuses heures d’attentes aux checkpoints, les expulsions forcées etc.

Le but recherché est simple. À travers cette série, Israël apparaît comme l’agressé et les Palestiniens comme agresseurs.

En définitive, ce programme tente tant bien que mal d’altérer le jugement de l’opinion internationale à l’égard d’Israël. Au vu du très large succès de la série, une troisième saison est en cours de tournage. Elle relatera la traque d’un terroriste à Gaza. Israël use donc de son soft power (capacité à convaincre) pour propager sa version du conflit.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *