« Le deal du siècle »: Arrangement entre les États-Unis et Israël au détriment une fois de plus des Palestiniens

Une fois n’est pas coutume, les administrations américaine et israélienne ont affirmé leurs liens fraternels. Méconnu en Occident, « cet accord du siècle », « ce plan de paix » pour le Moyen-Orient divulgué par Donald Trump et son gendre Jared Kushner le 28 janvier 2020, offre au Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu le droit de continuer légalement la colonisation sans aucune contrepartie.

Les Palestiniens, évincés de cet accord, se sentent humiliés voire insultés et demeurent les laissés pour compte dans ce conflit inique.

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Un dénouement prévisible :

Depuis 2 ans, les médias arabes et régionaux parlent du fameux « accord du siècle » (safaqat el qourn en arabe). L’annonce faite le 28 janvier dernier, n’est donc pas une surprise pour les habitants de la région. Ils attendaient tout juste son officialisation pour exprimer leur refus et montrer leur désarroi face au marchandage et au grignotage de l’État palestinien. Régulièrement, Israël bafoue le droit des Palestiniens en grappillant bout de terrain par bout de terrain et en hébraïsant chaque localité conquise.

Depuis 70 ans et bien que souvent accusé de non-respect des droits de l’homme, l’État hébreu jouit d’une impunité face au droit international et ce, en raison de la protection américaine systématique.

Le monde observe impuissant, si ce n’est indifférent  la négation du fait palestinien. Telle une épine dans le pied, la cause palestinienne devient utopique pour l’opinion internationale et dérangeante pour les voisins arabes.

La banalisation des exactions et des nombreux crimes ne fait plus la une. De surcroît, la nouvelle stratégie israélienne est de taxer d’antisémitisme tout État ou personne critiquant la politique de l’État hébreu.

Légalisation de la colonisation, mais pas que…

« Ce plan de paix » à sens unique ne satisfait que la droite israélienne de Benyamin Netanyahu. Depuis novembre 2019, le congrès américain a voté une loi reconnaissant la légalité des colonies israélienne. Cet accord « de paix » entérine encore un peu plus la mainmise de l’idéologie sioniste sur la Palestine.

La Cisjordanie est de facto un territoire colonisable. À ce jour, 600 000 colons juifs y résident pour une population de 2,6 millions de Palestiniens. Les dirigeants israéliens ont annoncé la volonté d’atteindre le million de colons d’ici 10 ans. D’ailleurs, le Premier ministre de l’État hébreu lorgne sur la vallée du Jourdain, territoire stratégique riche en ressources hydrauliques. L’accaparement des eaux souterraines par les autorités israéliennes risque de provoquer de fortes tensions avec le voisin jordanien et avec les Palestiniens de la Cisjordanie. L’or bleu est au cœur de la géopolitique régionale.

En plus de devoir accepter l’implantation de nouvelles colonies en Cisjordanie, les Palestiniens doivent cesser toute action militaire. Le plan de « paix » prévoit une démilitarisation des territoires palestiniens (surtout dans la bande de Gaza) et une sécurité assurée exclusivement par l’autorité israélienne. En contrepartie Donald Trump promet  50 milliards de dollars d’investissement et deux futures zones industrielles dans le désert du Néguev.

Ce deal du siècle envisage également la construction d’un tunnel reliant la Cisjordanie à Gaza. Or, le déplacement des habitants palestiniens sera restreint dans l’espace et dans le temps.

De surcroît, le plan de l’administration américaine ne concerne pas uniquement le sort des Palestiniens, mais également celui des habitants du Golan syrien. Ce territoire, occupé militairement par Israël en 1967 et annexé en 1981, représente une véritable zone stratégique. En mars 2019, le Président Donald Trump signe un décret reconnaissant la souveraineté de l’État hébreu sur le plateau du Golan, faisant fi des résolutions de la communauté internationale qui n’a jamais reconnu cette annexion. Ce « deal du siècle » vient parachever cet état de fait.

En somme, l’administration américaine rend monnayable la cause palestinienne et ignore consciencieusement les aspirations légitimes du peuple palestinien.

Abou Dis pour les Palestiniens

Les habitants de la région postent à l’unisson sur les réseaux sociaux le mythique morceau de la chanteuse libanaise Fayrouz « Al Qods lana » (Jérusalem est à nous)[1]. Or, cette nostalgie est consubstantielle avec ce sentiment d’abandon, de désarroi face au marchandage de la ville sainte. En effet, après avoir déplacé l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem en décembre 2017, la récente annonce de Donald Trump confirme un peu plus l’empiètement israélien sur le sort des Palestiniens.

Jérusalem est plus qu’une ville pour les Arabes, elle dépasse de loin la simple notion de capitale d’un État. Elle représente le mythe de la ville sainte parfaite, mille fois conquise mais toujours vivante et resplendissante. Musulmans, Chrétiens et Juifs la sacralisent. Troisième ville sainte de l’Islam avec la présence de la mosquée Al Aqsa, Jérusalem est également sacrée pour les Chrétiens du monde entier avec le tombeau du Christ (le Saint Sépulcre). Les Juifs, quant à eux, la vénèrent pour le mur des lamentations, ancienne façade du temple d’Hérode du Ier siècle.

Malgré les dires du Président américain, la capitale du futur État palestinien ne sera pas Jérusalem-Est, mais Abou Dis. Cette dernière est une petite bourgade de 11 000 habitants, située à l’est de Jérusalem. Encore une aberration et une humiliation pour les habitants qui seront de plus en plus éloignés de la ville sainte. En effet, les Arabes chrétiens et musulmans se liguent contre cet opprobre. Les Palestiniens refusent donc à l’unisson le sort qu’il leur est promis.

L’effritement d’une solidarité de façade

La Palestine est un sujet consensuel pour la rue arabe. Cependant, les dirigeants des principaux pays de la région la délaissent petit à petit pour rejoindre une alliance de plus en plus officielle avec les Etats-Unis et Israël contre l’Iran.

Initialement, l’approbation tacite des autorités du Golfe et de l’Égypte est perçue comme une trahison. Seuls, les dirigeants libanais, syriens, irakiens, yéménites, algériens et tunisiens ont condamné ouvertement ce plan de paix.

La Palestine reste populaire et certains dirigeants régionaux l’ont bien compris. Pour des raisons électorales évidentes, avoir le « passeport palestinien » permet de s’assurer un soutien de poids. Pour les populations locales, y compris chez les non-arabes (Turcs et Iraniens), la Palestine représente cette cause fédératrice aconfessionnelle. En dépit de discours partisans et de manifestations dans plusieurs villes contre ce fameux « deal du siècle », l’abattement prédomine chez les habitants de la région.

Dans les faits, ce plan de paix signe la fin d’un espoir et ne résout aucunement le conflit israélo-palestinien. Contre toute attente, réunie au Caire le 1 février 2020, la Ligue arabe dénonce un projet injuste ne respectant pas le droit des Palestiniens. Impuissant, Mahmoud Abbas, chef de l’autorité palestinienne rompt toutes les relations avec Israël et les Etats-Unis.

La perte de la Palestine obligerait le monde arabe à se réinventer. En déliquescence, il est plus que jamais soumis aux calculs des grandes puissances et aux turpitudes de ses propres dirigeants.  

Bibliographie :


[1] https://www.youtube.com/watch?v=lYKnQ9814T8

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