Saddam Hussein : la longue marche vers le pouvoir

Indépendant officiellement en 1932, l’Irak reste soumis aux ingérences britanniques. Londres établit plusieurs bases militaires et autorise les compagnies pétrolières à forer et à pomper l’or noir du pays. De surcroît, ce pays tribal sans aucune centralisation du pouvoir subit une forte régionalisation des différentes communautés. Les Kurdes vivent au Nord-Est dans la région d’Erbil, les Chrétiens sont installés depuis des siècles dans la plaine de Ninive, les Sunnites sont présents à l’Ouest et la majorité chiite à Bagdad et dans le Sud-Est du pays.

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, la nation irakienne vacille d’une influence à une autre. Pro-américaine dans les années 50, elle est assujettie au joug communiste la décennie suivante. Morcelé, divisé et en proie à des agitations internes, l’Irak doit attendre l’arrivée de Saddam Hussein à la tête du pays pour connaître une stabilité politique et un réel développement économique.

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D’une jeunesse instable à ses premiers pas en politique

Né en 1937 à Tikrit au nord de Bagdad, le jeune Saddam Hussein grandit au sein d’une famille paysanne sunnite, dépourvue de ressources. Orphelin, il est élevé par l’un de ses oncles maternels. Son enfance est à l’image de millions d’Arabes qui vivent loin des métropoles. Pauvre, il travaille et cultive les champs. Sa famille ne pouvant le scolariser, il décide donc de fuir à l’âge de 10 ans vers Bagdad. Au cours de sa fugue, il est accueilli par un membre de sa famille. Ce dernier l’emmène jusqu’à la capitale ou il finance ses études. En parallèle, Saddam exerce différents métiers. Tour à tour, il est chauffeur de taxi puis vendeur de cigarettes. De tradition sunnite, il n’est cependant pas pratiquant.

À 19 ans, en raison de la nationalisation du canal de Suez en 1956, il est témoin oculaire du bouleversement des équilibres préétablis dans la région. Cet évènement pousse tous les citoyens à embrasser le rêve d’une grande nation arabe indépendante. Saddam sacralise l’action de Gamal Abdel Nasser. C’est à cette époque, qu’il commence à entreprendre sa longue marche vers le pouvoir irakien. Il entre en contact avec les milieux nationalistes et milite clandestinement pour le parti Baath. Il étudie et s’imprègne des textes du chrétien orthodoxe Michel Aflak et du musulman sunnite Salah al-Din al-Bitar, fondateurs de ce parti socialiste arabe.

Or, les communistes du général Kassem prennent le pouvoir en 1958. Les nationalistes et les baathistes subissent des purges de la part des autorités irakiennes. Le pays est fragmenté. Il regorge une multitude de partis aux obédiences et aux influences extérieures antinomiques. En 1959, Saddam Hussein participe à la tentative d’assassinat du général Abdel Karim Kassem. Cette entreprise échoue. Blessé à la jambe, il fuit et se réfugie à Damas en traversant l’Euphrate à la nage.

L’influence idéologique du parti Baath :

Arrivé en Syrie en 1959, Saddam Hussein découvre avec satisfaction le succès de l’arabisme. En effet à cette période, la Syrie et l’Égypte ne forment qu’un seul pays (Cf article sur la République arabe unie). Il constate l’effervescence des foules face aux attentes d’une idéologie régionale ambitieuse. C’est au cours de son séjour à Damas qu’il rencontre le fondateur du parti Baath Michel Aflak. Tout au long de son parcours politique, il sera influencé par sa vision.

Le parti Baath (renaissance en arabe) a été fondé en 1944. D’obédience nationaliste et socialiste, il prône une indépendance politique et économique vis-à-vis des puissances étrangères. Fer de lance de l’arabisme, il entend placer l’arabité au dessus des appartenances religieuses en promouvant une laïcité à l’orientale. Néanmoins, selon ses fondateurs l’Islam « demeure l’âme de la nation arabe ». Le slogan du parti est « Unité, liberté, socialisme » (Wahdah, Hurriyah, Ishtirakiyah en arabe). Le jeune Saddam Hussein s’imprègne de ses principes et les érige en fondement même de sa future politique.

En 1960, il continue ses études de droit au Caire. Apprenant la réussite du coup d’État de février 1963 contre le général Kassem, il rentre au pays. Or très vite, il déchante devant l’amateurisme du nouveau général Aref. Ce dernier se retourne contre ses anciens partisans et instaure une dictature en chassant tous les membres du parti Baath irakien.

Clandestinement, Saddam Hussein organise et étend son influence sur le parti. Il s’attache à structurer un parti puissant fondé sur ses principes initiaux. Entre 1963 et 1968, il devient la tête pensante et agissante du parti. Civil, Saddam n’hésite pas à donner des conseils militaires aux soldats chevronnés. Dérangeant et perturbateur politique, il est emprisonné par les autorités centrales en 1964.

2 ans plus tard, il s’évade et décide de prendre le pouvoir. Il fomente avec ses partisans un coup d’État le 17 juillet 1968. Enfonçant la grille du palais présidentiel avec un char et vêtu d’un uniforme de lieutenant d’infanterie, à 30 ans le jeune Saddam Hussein scelle son destin à celui de l’Irak en renversant le gouvernement d’Abdel Salam Aref.

1968-1979 : Premier ministre réformateur

Ahmad Hassan al-Bakr s’empare du pouvoir suite au coup d’État de 1968. Saddam Hussein devient l’homme clé du gouvernement irakien. En tant que Premier ministre et vice président du conseil de commandement de la révolution (CCR), il s’empresse de créer une réelle structure d’État pour développer des pans entiers de la société. Saddam s’érige en bâtisseur et réformateur de la nation irakienne. Il met en place une révolution économique constructive et progressiste. N’étant pas un idéologue, il veut néanmoins façonner l’homme arabe en le faisant prendre consciences de ses atouts. Sa mission est de créer l’émergence d’une conscience nationale, patriotique et panarabiste au sein de chaque citoyen.

L’Irak est doté d’un sous-sol riche en hydrocarbures. Le gouvernement irakien nationalise le pétrole en juin 1972 et ordonne le retrait des compagnies étrangères. Les revenus pétroliers permettent ainsi aux autorités d’investir massivement dans l’agriculture, l’éducation mais surtout l’armée. Saddam Hussein modernise également l’industrie et fait de l’Irak l’étendard du renouveau arabe. Cependant, ce développement impressionnant inquiète les autorités israéliennes en raison de ses discours belliqueux pour la défense de la Palestine.

L’armée devient l’atout indispensable de Saddam Hussein, elle lui permet d’asseoir sa légitimité et d’accroître son influence. Il entend ainsi fédérer toutes les régions irakiennes sous le prisme de l’adhésion au parti Baath. Il veut faire de l’Irak tribal, un pays unifié et soudé sous l’emprise de son parti. Pour mater les volontés autonomistes kurdes au Nord-Est et les revendications politiques chiites, l’armée s’avère être un gage de stabilité dans un pays instable.

Chef de fil d’un nouveau panarabisme et ennemi invétéré du sionisme, Saddam Hussein soutient activement la Syrie dans la guerre du Kippour contre Israël en Octobre 1973. Il y envoie plus de 30 000 soldats et environ 300 véhicules blindés. Sans surprise, lorsqu’Ahmad Hassan al-Bakr se retire de la vie politique malade, Saddam Hussein lui succède en juillet 1979 et devient Président de la République d’Irak, Prédisent du commandement de la révolution et commandant en chef des armées.

L’affirmation de son pouvoir contre vents et marées

De vendeur de cigarettes dans les rues de Bagdad à la présidence de la République, Saddam Hussein est devenu l’homme fort de tout un pays. Il assoit son autorité en s’appuyant sur un régime autoritaire et policier. Toutefois, il redresse l’économie et modernise les infrastructures du pays. Cet incroyable essor alarme les autorités israéliennes et américaines sur ses desseins régionaux. Indépendant, le Président irakien est un électron libre sur la scène régionale et internationale.

Cependant en 1979, un cataclysme ébranle le Moyen-Orient. La révolution islamique d’Iran change la donne régionale. Esseulé, l’Iran chiite tente d’imposer les principes mêmes de sa révolution aux pays voisins, notamment à l’Irak qui est peuplé d’une majorité de chiites (55-60%). L’Occident finance, arme et pousse Saddam Hussein à se lancer dans une guerre pour stopper la contagion révolutionnaire iranienne. Dans ses discours, Saddam Hussein s’érige en défenseur de l’arabité contre l’Iran perse et essaye de former un front commun arabe. Les monarchies du Golfe entretiennent l’effort de guerre irakien. Or, ce conflit dure 8 ans (1980-1988) et se solde par statu quo qui laisse exsangue les deux pays avec d’innombrables pertes humaines. Au lendemain de la guerre, Saddam ordonne des purges et des massacres de Kurdes irakiens qui ont pactisé avec l’ennemi iranien.

D’une poigne de fer, Saddam Hussein a stabilisé et hissé l’Irak au statut de puissance arabe respectée et indépendante. Sa politique fédératrice et unioniste à l’échelle régionale sera confrontée aux soubresauts de l’Histoire. Instrument et vassal de l’Occident dans le dossier iranien, l’Irak deviendra peu à peu la cible de toutes sortes d’ingérences qui finiront par découdre méthodiquement le tissu social et détruire l’appareil étatique du pays.

Bibliographie :

  • Saïd-K Aburish, « Le vrai Saddam Hussein », Editions Saint-Simon, 2002
  • Georges Corm, « Pensée et politique dans le monde arabe », La Découverte, 2016
  • Charles Saint-Prot, « Saddam Hussein, un gaulliste arabe ? », Albin Michel, 1987
  • Elisabeth Picard, « L’Iraq de Saddam Hussein : de l’ambition modernisatrice à la logique sécuritaire », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, 1991

Une réponse sur “Saddam Hussein : la longue marche vers le pouvoir”

  1. Merciiii tres intéressant à lire surtout les jeunes générations qui doivent savoir l’histoire de ce monde Arabe et ses chefs indomptables du ce n’est le terrorisme de l’américain qui a voulu tout détruire…..,,et encore???

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