Disparition de 3 humanitaires français et de leur collaborateur irakien à Bagdad.

Depuis maintenant plus de 2 semaines, l’association SOS Chrétiens d’Orient n’a aucune nouvelle de ses 3 chefs de missions et de leur collaborateur irakien disparus à Bagdad. Créée en 2013 suite au dépècement des populations chrétiennes d’Irak et de Syrie, cet organisme fournit une aide matérielle, médicale, éducative et psychologique aux Chrétiens opprimés, meurtris et souvent délaissés par les autorités locales.

Ignorée du grand public et plus ou moins abandonnée par la communauté internationale, la communauté chrétienne orientale n’a de cesse de subir les affres d’une radicalisation islamiste sur place. Face à cette menace, la plupart fuit vers l’Europe, l’Amérique voire l’Australie. Quant aux autres, désemparés et persécutés pour leur foi, faute de moyens ou animés par une farouche conviction, ils continuent de vouloir vivre sur la terre de leurs ancêtres.

L’association tente d’apporter un soutien moral et matériel aux populations restantes afin qu’elles redeviennent autonomes économiquement. Or, les équipes humanitaires dans les zones à risque sont souvent la cible de plusieurs groupes armés. Les enlèvements sont souvent suivis d’une demande de rançon pour faire pression sur les autorités occidentales, jugées responsables du chaos régional.

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Contexte d’un probable enlèvement :

« La disparition » des membres de l’association a eu lieu à Bagdad le lundi 20 janvier 2020 non loin de l’ambassade de France. Normalement, l’organisme travaille uniquement avec les autorités du Kurdistan à Erbil. Les minorités chrétiennes ont en effet trouvé refuge en territoire kurde. Cependant, leur présence à Bagdad était uniquement d’ordre administratif. Il fallait s’enregistrer auprès des autorités irakiennes de Bagdad afin de débuter un projet financé par l’association.

L’Irak n’a jamais été un pays sûr pour un occidental. Depuis les années 80, le pays est en guerre. Pour l’Irakien, l’occidental est perçu automatiquement comme un potentiel ennemi, allié d’Israël et des États-Unis. L’Occident est de fait assimilé à un ensemble politique homogène.

Depuis l’assassinat du général iranien Qassem Souleimani le 3 janvier 2020 par un drone américain, la région est en ébullition. Les partisans de ce dernier promettent des représailles contre les intérêts occidentaux dans la région. Il est fort probable que les équipes de SOS Chrétiens d’Orient aient été enlevées par une milice chiite. L’éventuel enlèvement serait dicté par une volonté de pression sur les autorités occidentales pour cesser leurs ingérences en Irak. Dans le cas échéant, ceci serait plus souhaitable que si celui-ci avait été perpétré par Daesh, organisation terroriste pratiquant des exécutions sommaires. Dernièrement, des foules monstres se sont réunies à Bagdad pour demander le départ des forces américaines du pays.

En s’alignant automatiquement sur la politique américaine, la France met en péril son indépendance diplomatique et la sécurité de ses concitoyens travaillant sur place.

Pourquoi un tel silence ?

Depuis le 24 janvier 2020, date du communiqué officiel de l’association, aucune information supplémentaire n’a été dévoilée.

Selon le Quai d’Orsay, les membres de l’association ont disparu et n’ont pas été officiellement enlevés. Il est vrai qu’à ce jour, aucun groupe armé n’ait revendiqué l’enlèvement. Le directeur général de l’organisation, Benjamin Blanchard, indique cependant que « les autorités françaises et irakiennes se coordonnent pour retrouver leurs traces ».

Lors des prises d’otages, le gouvernement français utilise différents leviers afin de négocier avec les ravisseurs. Il est donc très probable que les renseignements français soient en étroite collaboration avec les renseignements irakiens pour mener à bien l’enquête et retrouver les ressortissants français. Dans certains cas, il est préférable que le gouvernement ne communique pas sur l’évolution des négociations. Cela se déroule discrètement afin d’éviter une médiatisation des groupes terroristes et pour préserver la sécurité des humanitaires.

De son côté, la presse n’a que faiblement relayé l’information. Elle a profité de cet évènement pour reprocher à l’association ses soutiens politiques et non pour relater la disparition tragique de 3 humanitaires français et de leur collègue irakien. En effet, les principaux médias mettent en avant les liens de l’organisation avec des milieux « d’extrême droite » et sa soi-disant lecture confessionnelle du conflit au Proche-Orient, visant à opposer Chrétiens et Musulmans.

Force est de constater que la défense de la cause chrétienne est principalement l’apanage d’un électorat de droite. On se rappelle en 2014, lors de la chute de la ville irakienne de Mossoul et de l’exil de milliers de famille chrétienne, les sympathisants de droite arboraient fièrement le ن sur les réseaux sociaux (les djihadistes utilisaient ن=noun, 25ème lettre de l’alphabet arabe, signifiant nazaréen pour persécuter les Chrétiens)

Mettre en exergue les affinités politiques, comme le font les journalistes, revient à politiser ce problème et à rendre dérisoire le sort des communautés chrétiennes auprès d’une partie de la société. Tout commentaire concernant le positionnement de l’association est hors-sujet et aberrant à l’heure actuelle.

Questionnement sur l’humanitaire en zone à risque :

Au Moyen-Orient, l’aide humanitaire est souvent perçue comme le bras social des interventions militaires. Les organisations internationales, sous couvert de démocratisation de la société, servent souvent les intérêts des puissances occidentales. En effet, l’interventionnisme humanitaire se pare de toutes les vertus sociales et humaines. Des bombes et des ONG simultanément pour remettre un pays « déviant » dans le droit chemin. Plus il y a d’interventions militaires, plus les organisations non gouvernementales prolifèrent. Ne sont-ils pas finalement les maillons d’une seule et même chaîne ?

Les réseaux humanitaires américains à l’instar des réseaux Soros ou Canvas, n’ont de non gouvernementales que le nom. Ils participent activement à la mise en place d’un agenda bien précis. Ils forment et imposent des politiques sociales en connivence avec leurs bailleurs institutionnels. Ces multinationales de l’humanitaire s’arrogent le droit d’ingérence et jouissent de tous les avantages que leur statut leur confère.

L’association SOS Chrétiens d’Orient n’est pas un mastodonte de l’humanitaire. Cette structure tente tant bien que mal de former un pont entre Orient et Occident sous le prisme de la religion. Au Moyen-Orient, la religion est omniprésente et représente un marqueur communautaire fort. De fait, chefs de missions et bénévoles présents sur le terrain participent activement à la liturgie locale.

 Elle apporte une aide aux populations majoritairement chrétiennes sans ingérence dans la politique du pays hôte. Les chefs de missions sont préalablement formés aux nombreux risques qu’ils encourent dans des pays tels que l’Irak ou la Syrie. De plus, ils connaissent parfaitement la géopolitique régionale. Dans les pays du Proche et Moyen-Orient, il est souhaitable d’épouser les coutumes locales (codes vestimentaires et linguistiques) pour éviter tout soupçon d’espionnage.

En effet, dans une région en guerre, tout occidental sera perçu comme un éventuel ennemi.

Aujourd’hui, l’aide humanitaire, justement décriée et calomniée pour ses connivences politiques est en pleine mutation pour faire respecter ses principes initiaux : humanité, neutralité, impartialité et indépendance.   

Bibliographie :