Qu’est-ce-que le monde arabe ?

Le monde arabe est une aire géographique mal définie, aux contours souvent inexacts. Il ne constitue aucunement un ensemble homogène. Au gré de l’histoire, la notion même d’arabité évolue, s’agrandit, on y intègre les populations dites « arabisées » par les conquêtes musulmanes. Le monde arabe se définit et se structure dans le temps en opposition à d’autres civilisations. Néanmoins, cet ensemble de l’Atlantique à l’Euphrate représente un bloc hétéroclite, la langue arabe est elle-même subdivisée en plusieurs dialectes. Des traditions, des cultures et des pratiques religieuses divergent en fonction des zones géographiques. Le monde arabe est souvent assimilé à tort au monde musulman. De surcroît, on y englobe des pays qui ne sont pas arabes, à l’instar de l’Iran et de la Turquie.  Aujourd’hui encore, malgré l’appartenance de 22 pays au sein de la Ligue arabe, certaines populations se définissent à l’aune de leurs particularismes locaux.

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Une langue commune ?

La langue arabe est antérieure à l’avènement de l’Islam. Issue du nabatéen, celle-ci aurait été parlée pour la première fois par une communauté chrétienne du Yémen en 470 de notre ère. Or, l’expansion de l’arabe classique est consubstantielle avec les conquêtes musulmanes du VIIe et VIIIe siècle. Une fois les territoires conquis, les souverains musulmans se servaient de l’arabe pour mieux islamiser les populations locales. En effet, l’arabe est la langue du Coran.

L’arabe est considéré comme la langue officielle des 22 pays membres de la Ligue arabe. Néanmoins chaque pays, chaque région dispose de son propre dialecte plus ou moins éloigné de l’arabe littéraire. Ces dialectes sont le résultat d’interactions historiques et culturelles avec d’autres peuples. Ce faisant, d’un dialecte à un autre, il est possible de ne pas se comprendre. Un Syrien ne comprend pas le dialecte algérien, alors que l’inverse n’est pas exact.

L’arabe littéraire ou classique demeure la langue de la littérature, des médias, de la constitution et des discours officiels. Cependant, l’usage de l’arabe dialectal est employé au quotidien. Il est rare d’entendre deux personnes communiquer en littéraire. Compte tenu du fort taux d’analphabétisme, l’arabe littéraire lu et écrit n’est pas maîtrisé dans plusieurs régions.  

L’idée d’arabité basée sur le critère linguistique est problématique. Ce critère ne définit que partiellement l’identité arabe.

Une géographie bien définie ? 

Selon Edward Said, universitaire américain d’origine palestinienne, l’Occident a créé l’Orient. Le monde arabe est perçu comme un bloc homogène bien distinct, en opposition aux valeurs et traditions occidentales. Cette logique simpliste est durement critiquée par l’auteur de « L’orientalisme ». Il décrit ainsi un Orient figé dans l’espace et dans le temps, résultat d’une assimilation de la pensée occidentale.

Pourtant, le monde arabe ne constitue pas un ensemble géographique similaire du Maroc à l’Irak. On y distingue communément 4 parties majeures : le Maghreb (l’Afrique du Nord), la vallée du Nil, le Machrek (le Levant) et le Khalij (le Golfe). Ces zones sont elles-mêmes divisées en une multitude d’entités géographiques, fruit d’influences culturelles et historiques berbères, andalouses, ottomanes, arabes, perses et européennes. 

Au Maghreb, on ressent la prédominance des traditions berbères. En Libye, la faible centralisation du pouvoir central est due à la tribalisation de la société. En Égypte, le poids omnipotent du Nil influe et structure la vie des habitants. En Syrie et au Liban, la dichotomie est également géographique entre les habitants du littoral, tournés vers le commerce avec l’Occident et les habitants des montagnes majoritairement paysans. La péninsule arabique, auparavant dominée par des systèmes claniques, connaît une récente polarisation du pouvoir. Quant à l’Irak, il porte encore les traces de son histoire bédouine et de ses divisions religieuses.

À l’image de sa géographie et son histoire, le monde arabe est disparate. On peut disserter sur un ou plusieurs mondes arabes. Les éléments naturels, tels que le désert du Sahara, la Cyrénaïque ou le Golfe, les montagnes syro-libanaises, les fleuves du Nil et de l’Euphrate, les terres pétrolifères d’Algérie, d’Arabie saoudite et d’Irak façonnent la société et le mode de vie des habitants de la région.

Une région multiconfessionnelle

Le monde arabe ne constitue pas un ensemble religieux homogène. Contrairement à ce que l’on pense, tous les Arabes ne sont pas musulmans. Les Arabes peuvent être chrétiens et juifs. Des minorités chrétiennes sont présentes en Égypte, en Palestine, en Syrie, au Liban, en Jordanie et en Irak. Ils parlent et communient essentiellement en arabe. Berceau du christianisme, l’Orient était une terre chrétienne avant l’avènement de la religion musulmane au VIIe siècle.

Les musulmans du monde arabe sont en majorité sunnites. Néanmoins, des chiites sont présents en Irak et au Liban, des ibadites à Oman, des zaydites au Yémen, des druzes au Liban, en Syrie et en Palestine, voire des alaouites et des ismaéliens en Syrie. De son côté, le Maghreb connaît une relative homogénéité religieuse contrairement à l’Orient.

Le critère religieux demeure le marqueur principal dans une région ultra-confessionnalisée. Au gré de l’histoire, les puissances européennes ont exploité les failles religieuses pour s’immiscer dans les affaires internes. La Russie et la France ont soutenu les Chrétiens d’Orient alors que l’Empire britannique s’est appuyé sur la communauté sunnite. Aujourd’hui encore, les divisions sont visibles et constituent la principale grille de lecture de cette région. Le conflit inter-musulman oppose les chiites principalement affiliés à l’Iran aux sunnites majoritairement soutenus par les pays du Golfe. Cette dualité aggrave l’instabilité politique de la région.

Une entité politique ?

En dépit de la création de la Ligue arabe en 1945, l’unité politique du monde arabe semble irréalisable tant les conceptions idéologiques sont opposées d’une région à une autre[1]. D’un point de vue politique, le monde arabe est divisé. Les Arabes n’utilisent pas le terme de monde arabe (Al Alam Al Arabi) mais favorisent celui de nation arabe (Al-Watan Al-Arabi) pour laisser transparaître cette notion de solidarité et d’union entre les 22 pays membres.

Au lendemain de la période de décolonisation, le panarabisme de Gamal Abdel Nasser séduit les foules arabes. Sa politique socialisante et laïque outrepasse de loin les appartenances religieuses. Mais sa vision s’oppose au panislamisme des chancelleries du Golfe, qui prônent l’idée d’une unité au sein même de la  communauté musulmane, faisant fi des frontières nationales. De surcroît, chaque région a ses vues, sa propre définition du nationalisme avec l’influence d’un particularisme local. En effet, au Liban certains chrétiens font référence aux Phéniciens pour renier leur arabité. En Syrie, sous la houlette du Parti social nationaliste syrien, les partisans souhaitent la réunification du Bilad el Cham (Irak, Syrie, Liban, Jordanie et Palestine). Foncièrement nationalistes, Bagdad et Damas se sont disputées le leadership arabe. Au Maghreb, les jeunes nations s’affrontent pour des raisons territoriales (Sahara occidental).

Par ailleurs, chaque nation arabe entretient des rapports différents avec les grandes puissances. Dans cette logique d’alliance militaire et économique, toutes les nations arabes ne partagent pas les mêmes aspirations. On distingue deux axes bien distincts. D’un côté, des pays sunnites s’alignent sur la politique américaine et d’autres sont proches de la politique iranienne. Ces deux groupes sont eux-mêmes divisés selon des ramifications idéologiques, religieuses et géopolitiques.

Entité géographique complexe, le monde arabe n’est pas un et indivisible. De part son héritage historique, ses interactions culturelles et ses influences extérieures, chaque région s’harmonise et se singularise. À l’aune des tensions régionales, le monde arabe apparaît plus que jamais divisé.


[1] Égypte, Soudan, Algérie, Maroc, Tunisie, Mauritanie, Liban, Syrie, Irak, Jordanie, Palestine, Oman, Yémen, Libye, Somalie, Djibouti, Comores, Qatar, Koweït, Bahreïn, Émirats arabes unis, Arabie saoudite 

La grande révolte arabe de 1916 : un soulèvement inutile ?

La grande révolte arabe de 1916 contre l’Empire ottoman est l’expression d’une insurrection instrumentalisée contre une domination étrangère. Ce soulèvement est entré dans l’histoire par l’entremise des écrits d’un officier de la Couronne britannique, ceux de Thomas Edward Lawrence dit Lawrence d’Arabie. Cet événement marquant de l’histoire régionale ne se résume pas uniquement à un fait militaire. Il reste intriguant, fascinant et traduit la duplicité des grandes puissances de l’époque.  

La Grande-Bretagne avait en effet promis aux Arabes un État indépendant en échange de prendre les armes contre les troupes ottomanes. En dépit de leur farouche engagement, la promesse est non tenue. Trahis et abusés, les Arabes avaient minoré les desseins coloniaux de l’époque au Moyen-Orient.

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 Les prémices d’un soulèvement

À la fin du XIXe siècle émerge un mouvement de renaissance culturel et politique au sein du monde arabe. Cette période de bouillonnement est appelée Al-Nahda (la renaissance). Un avènement d’une conscience politique se profile avec la création de sociétés secrètes. Plusieurs penseurs chrétiens et musulmans se liguent pour jeter les bases d’un nationalisme arabe s’opposant au joug ottoman. Ils s’inspirent de l’idéologie  nationaliste européenne.

À cette époque, le Levant est sous domination ottomane. Le pouvoir central, déliquescent et vacillant, réprime violement les intellectuels et les penseurs portant des revendications autonomistes. Pour éviter les pendaisons et les répressions, ces derniers agissent clandestinement. Désireux de s’immerger dans les affaires ottomanes, Paris et Londres soutiennent ces démarches politiques en proposant des relais journalistiques en Occident.

De surcroît, dans un élan irrédentiste, l’Empire ottoman s’allie à l’Allemagne et à l’Autriche-Hongrie pour tenter de récupérer ses anciennes possessions africaines et européennes. En novembre 1914, le Sultan Mehmed V lance même un appel au Djihad aux musulmans afin de s’opposer aux troupes franco-anglaises dans la région. Tentative partiellement suivie, car chez certaines tribus, le sentiment d’injustice et les revendications nationalistes arabes prévalent sur la notion d’Oumma (la communauté musulmane). Ainsi, des musulmans arabes de l’Empire ottoman rejettent cet appel et nouent des liens avec la Grande-Bretagne.

En effet dès 1915, le haut-commissaire britannique en Égypte Henry Mac-Mahon entretient une correspondance avec le chérif de la Mecque Hussein bin Ali. Ce dernier est issu du clan Hachémites, descendant du prophète et gardien des lieux saints musulmans[1]. Les Anglais promettent au chérif de la Mecque une indépendance sur les territoires libérés du joug ottoman, s’il accepte d’aider leurs troupes sur le front arabe. Pour Londres, il s’agit de faire imploser cet Empire vieillissant grâce aux tribus bédouines du Hedjaz (littoral de l’actuel Arabie Saoudite). Hussein bin Ali accepte et reçoit l’aide d’un homme des renseignements britanniques, Thomas Edward Lawrence. Arabisant, archéologue de formation et fin connaisseur de la géographie et de l’histoire du Moyen-Orient, Lawrence « d’Arabie » se lie d’amitié avec l’un des 4 fils d’Hussein, Fayçal.

En parallèle à cette promesse, Anglais et Français s’entendent sur le partage des provinces arabes de l’Empire ottoman suite aux accords secrets de Sykes-Picot. Ignorants les dessous de ces accords, les Arabes se lancent dans une guerre de reconquête contre les troupes ottomanes.

Un succès militaire

La révolte des tribus bédouines du Hedjaz débute le 5 juin 1916. Par effet de surprise, les insurgés s’emparent rapidement de la Mecque puis des principales villes côtières. Ces premiers succès n’auraient jamais été possibles sans l’appui des croiseurs et des canons britanniques. Néanmoins, ils sont stoppés à Médine par une importante garnison ottomane. De surcroît, par l’intermédiaire du colonel Edouard Brémond, les Français soutiennent sans enthousiasme l’effort de guerre des Arabes.  À la fin de l’année 1916, les troupes bédouines entament une guerre de position de basse intensité contre les forces ottomanes.

Quant à lui, l’émir Fayçal réunit une importante force d’environ 8 000 hommes pour prendre le port d’El-Ouedj, non loin du chemin de fer reliant le Hedjaz à la Turquie. Or, la prise de cette place stratégique est un fait d’arme britannique. Excellant dans l’art du sabotage, les troupes bédouines détruisent plusieurs parcelles du chemin de fer du Hedjaz, unique source d’approvisionnement pour les troupes ottomanes dans cette région. Fins connaisseurs de leur région, les bédouins harcèlent sans cesse leurs ennemis par le biais d’attaques surprises et de vols de cargaisons dans le désert[2]. Lawrence d’Arabie décrit ces conquêtes et ces tactiques de combat dans son livre autobiographique « Les Sept piliers de la sagesse »[3]. Les généraux anglais et français de l’époque perçoivent les bédouins comme des pilleurs sans foi ni loi, se distinguant dans l’art de la guérilla.

Le succès le plus retentissant et surprenant fut la prise du port d’Aqaba, situé sur la mer rouge. Lawrence d’Arabie et les troupes de Fayçal traversent le désert du Nefoud en mai 1917 avant de s’emparer d’Aqaba par les terres en juillet de la même année. Cette victoire permet aux Britanniques de relier l’Égypte à la Palestine. De leur côté, les partisans de Fayçal aspirent à rejoindre les nationalistes syriens. Après avoir repris Jaffa et Jérusalem en décembre 1917 avec les troupes anglaises, l’émir Fayçal fait une entrée triomphale à Damas en septembre 1918[4], mettant fin à 4 siècles de domination ottomane.

Dans les faits, cette victoire de la grande révolte arabe n’aurait pas été possible sans l’aide logistique et matérielle des Anglais. Ces derniers ont utilisé la fougue et la bravoure des Arabes à des fins de politique extérieure.

Déceptions et désillusions

Les Anglais n’ayant pas honoré leurs engagements, l’espoir d’un grand royaume arabe indépendant est déchu. En effet, la promesse anglaise est balayée par les accords de Sykes-Picot en 1916 et par la déclaration Balfour en 1917.[5]

Dupés, les Arabes prennent connaissance de la conclusion de ces accords une fois le travail accompli. De ce fait, les nationalistes syriens sous la houlette de l’émir Fayçal entrent en résistance contre la présence française en Syrie et au Liban. Le fils du chérif Hussein refuse catégoriquement le mandat français au Levant et se rend même à deux reprises en Europe pour prêcher les revendications d’indépendance arabe.

Ses tentatives sont vaines. Les accords Sykes-Picot sont entérinés en 1920 lors de la conférence de San Rémo. Pourtant, un éphémère royaume arabe de Syrie voit le jour en mars 1920 en opposition aux desseins français dans la région. Des pourparlers s’engagent entre la France et le gouvernement de Fayçal. Ceux-ci n’aboutissent pas et l’affrontement armé est inévitable. S’ensuit la bataille de Khan Mayssaloun en juillet 1920. Défait, l’émir Fayçal est contraint à l’exil. En compensation, les Britanniques le placent à la tête de l’Irak. Cependant, cet échec de la constitution d’un royaume arabe unifié est le prélude d’un nationalisme plus contemporain et plus populaire.

En guise de consolation, la famille hachémite du chérif Hussein bin Ali obtient le trône de la Transjordanie (la future Jordanie) et conserve l’autorité sur le Hedjaz avant d’être destituée en 1925 par une dynastie concurrente… les Saoud[6].  

La grande révolte arabe est plus synonyme de duperie que de victoire. Le fait d’arme n’est pas négligeable, or ce soulèvement incarne surtout les desseins coloniaux de Paris et de Londres. L’ampleur de la désillusion est consubstantielle aux espoirs d’indépendance. L’époque des mandats britanniques et français au Moyen-Orient renforce de fait un nationalisme arabe jusque là embryonnaire[7]. Depuis, ce dernier se modernise, se diffuse et touche tous les pans de la société arabe. Or, cette idée de nation arabe unifiée se heurte à la volonté de certains États de devenir souverains, à l’instar de l’Arabie Saoudite.

L’échec des revendications arabes suite à la révolte de 1916 à 1918 participe à cette méfiance populaire à l’égard des visées occidentales dans la région. Quand les intérêts des uns priment sur le désir d’indépendance des autres…


[1] https://www.cairn.info/revue-etudes-2016-5-page-17.htm

[2] https://orientxxi.info/l-orient-dans-la-guerre-1914-1918/debats-et-controverses-autour-de-la-grande-revolte-arabe-contre-les-turcs,2154

[3] Thomas Edward Lawrence, « Les Sept piliers de la sagesse », Gallimard, 2017

[4] https://orientxxi.info/documents/glossaire/revolte-arabe,0838

[5] https://www.monorient.fr/index.php/2020/05/12/les-accords-sykes-picot-en-1916-partage-franco-anglais-du-proche-orient/

[6] https://www.pressreader.com/france/carto/20171103/281689730084986

[7] Charles Saint-Prot, « Le mouvement national arabe », Ellipses, 2013

Yasser Arafat : symbole de la résistance palestinienne

Suite à la déclaration Balfour en 1917, qui organise méthodiquement l’immigration des Juifs en Palestine, les Arabes de la région se sentent délaissés, si ce n’est abandonnés. La création de l’État hébreu en 1948 enflamme tout le Moyen-Orient. La dépossession et l’accaparement des terres palestiniennes ainsi que ses conséquences plongent la région dans un cycle infernal de conflits et de tensions territoriales.

La figure emblématique de Yasser Arafat est le miroir de la longue et lente errance palestinienne durant la seconde moitié du XXème siècle. Un temps activiste, fedayin puis diplomate, le parcours du résistant de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) se fait l’écho d’une cause consensuelle et fédératrice, mais tronquée au gré des bouleversements de l’Histoire régionale.

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Une enfance au cœur des vicissitudes du Moyen-Orient 

Né en 1929 au Caire, il est le fils d’un commerçant originaire de Gaza et d’une mère originaire de Jérusalem. Yasser Arafat affirme être né à Jérusalem. Ceci a pour but de légitimer encore un peu plus son combat pour la cause palestinienne.

Il passe les premières années de sa vie au Caire, puis il est envoyé à Jérusalem en 1936 chez l’un de ses oncles maternels. C’est à cette époque, qu’il constate l’injustice latente dont fait l’objet le peuple palestinien. En effet dans les années 30, l’immigration juive se fait au détriment des autochtones palestiniens qui doivent souvent délaisser leurs terres d’origine. Devant ces vexations et exactions de plus en plus régulières, Yasser Arafat assiste impuissant à plusieurs révoltes palestiniennes. Très tôt, ces évènements nourrissent en lui un sentiment d’humiliation et un désir de revanche.

Après avoir passé 4 ans dans la ville Sainte, il rentre au Caire où il continue ses études et entame parallèlement sa formation politique. Le jeune Yasser se passionne rapidement pour la Palestine, il étudie les penseurs panarabes ainsi que le théoricien du sionisme Theodor Herzl. Initialement proche des Frères musulmans égyptiens, il s’en écarte par la suite. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, en raison des crimes nazis, les puissances occidentales de l’époque reconnaissent l’obligation et l’importance de la création d’un État juif en Palestine. Dès lors, désabusé devant l’iniquité d’une décision unilatérale, l’ambition de Yasser Arafat est d’œuvrer à la libération totale de la Palestine.

Du militantisme au leadership palestinien

Mohamad Abd-al Rauf Arafat, dit Yasser Arafat participe à la première guerre israélo-arabe en 1948. Cette cuisante défaite représente une catastrophe (Al-Nakba en arabe) pour toute la région. Ce premier opprobre est le prélude à la longue agonie du peuple palestinien.

 De retour au Caire, Le jeune Yasser obtient son diplôme d’ingénieur civil en 1956. Dans les années 50, il devient président d’un groupe d’étudiants palestiniens exilés au sein duquel émerge la conscience et la vision d’un nationalisme palestinien. Il sert tout de même l’armée égyptienne lors de la crise du canal de Suez en 1956 contre l’agression tripartite française, anglaise et israélienne.

Peu à peu, le jeune militant palestinien prend ses distances vis-à-vis des gouvernements arabes, qu’il juge incapables de délivrer la Palestine. Selon lui, la solution doit provenir de l’intérieur et non d’un pays arabe à l’instar de l’Égypte ou de la Syrie. Yasser s’installe finalement au Koweït en tant que chef d’entreprise. C’est dans ce pays qu’il fonde le mouvement de libération de la Palestine, parti rapidement renommé le Fatah (La conquête en Arabe). L’objectif principal est l’établissement d’un État palestinien faisant fi de la reconnaissance de l’État israélien. Son positionnement et sa volonté d’utiliser l’action militaire l’écartent encore un peu plus des dirigeants arabes. Il réfute catégoriquement que la cause palestinienne soit utilisée à des fins de propagande démagogue. Ainsi, il crée en 1959 un journal intitulé Filistinuna (Notre Palestine) qui parachève la rupture entre sa vision et celle du panarabisme.

Dans ce journal, Yasser Arafat théorise son idéologie et explique l’importance de la lutte armée pour les réfugiés palestiniens (en Jordanie, au Liban, en Syrie et en Égypte). En effet, il conceptualise l’idée du fedayin palestinien (notion qui signifie littéralement le fait de se sacrifier pour une cause). Devant l’atonie des gouvernements arabes et l’accaparement des terres par les Israéliens, Yasser Arafat veut agir seul, pour mobiliser et former des groupes de commandos. 

Une lutte armée qui ne fait pas consensus

Au lendemain de la défaite de la guerre des six jours contre Israël en 1967, Yasser Arafat est conforté dans son idée que le salut de la Palestine ne peut  venir d’un pays arabe (en l’occurrence la Syrie et l’Égypte). Lors du congrès du Fatah à Damas en juin 1967, Yasser Arafat prône des actions armées en Cisjordanie, territoire conquis par Israël la même année. Il devient la tête pensante et agissante des fedayins. Les attaques ciblent les intérêts israéliens par l’entremise de sabotages et d’attentas. Yasser Arafat se lance dans une guerre d’usure contre « l’ennemi sioniste ». Or, Israël réplique avec force et démesure, obligeant les Palestiniens à établir leurs locaux en Jordanie. Ceci alimente les tensions entre le royaume hachémite jordanien et les combattants palestiniens.

Pour autant, les fedayins obtiennent leur premier succès en mars 1968 à Karameh en Jordanie. Après avoir assiégé et bombardé le camp de réfugiés, les Israéliens font face à une résistance surprenante de la part de 300 palestiniens. La base de Karameh est finalement rasée mais l’armée israélienne est obligée de quitter les lieux. Auréolé de cette victoire, Yasser Arafat assoit encore un peu plus sa légitimité et préconise une rupture totale avec les gouvernements arabes. De surcroît, quittant la clandestinité, il est nommé Président du comité exécutif de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) en février 1969. La charte de l’organisation nie l’existence de l’État hébreu.

Cependant cette consécration est de courte durée tant les luttes intestines et inter-arabes prennent le dessus sur la lutte contre Israël. En effet, les commandos palestiniens indisciplinés se heurtent régulièrement à l’armée jordanienne. Très vite, ils constituent « un État dans l’État » et outrepassent de loin les fonctions régaliennes de l’État jordanien. Finalement, le roi Hussein de Jordanie ordonne le massacre de plusieurs milliers de Palestiniens, civils et militaires en septembre 1970. Cet épisode dramatique dans l’histoire de la cause palestinienne est connu sous le nom de Septembre noir

En raison du durcissement de la politique jordanienne à l’égard des Palestiniens, Yasser Arafat et l’OLP s’établissent à Beyrouth en 1970.

Un délaissement progressif

Faute de reconnaissance internationale de l’OLP comme unique représentant du peuple palestinien, Yasser Arafat veut faire du Liban un territoire acquis à sa cause. Lors du sommet arabe de Rabat en octobre 1974, l’OLP est reconnu comme seul représentant légitime du peuple palestinien.

Les Palestiniens sont présents au Liban depuis 1948 et la première défaite arabe contre Israël. À l’arrivée de l’OLP, Yasser Arafat organise et lance avec l’aide des populations locales des actions militaires contre les villes israéliennes depuis le Sud-Liban. Ses actions s’inscrivent dans la légalité depuis les accords du Caire en 1969. Ces derniers autorisent les mouvements palestiniens à utiliser le Liban comme base arrière dans sa lutte contre « l’ennemi sioniste ». Or, les représailles israéliennes détruisent méthodiquement les structures économiques (port, aéroport, centrales électriques, ponts…) du pays afin que la population libanaise se retourne contre la présence palestinienne. Une fois de plus, les commandos de Yasser Arafat enveniment la situation dans le pays d’accueil.

Le Liban sombre en 1975 dans une guerre dévastatrice. Au fil des années, le pays devient une mosaïque d’alliances complexes et hétérogènes. Les Palestiniens affrontent essentiellement les milices chrétiennes puis les forces pro-syriennes. Des atrocités sont commises dans les deux camps. De surcroît, Yasser Arafat échoue à faire reconnaître la Palestine comme État indépendant lors des accords de camp David en 1979. Devant l’incapacité du gouvernement libanais à contenir les opérations palestiniennes, Israël intervient militairement et tente d’éliminer l’OLP en 1978 puis en 1982 en envahissant le Liban.

Frôlant la mort lors d’un bombardement israélien sur Beyrouth, l’OLP et Yasser Arafat sont expulsés vers Tunis en 1982. Face à cet échec cuisant les fedayins sont contraints de se disperser en Algérie, en Irak et au Yémen. Exilé, Yasser Arafat ne verra pas son peuple se soulever lors de la première intifada en 1987.

Yasser Arafat a eu plusieurs vies en une. Surnommé « le Che du Moyen-Orient », vêtu d’un treillis, d’un keffieh et d’une barbe de trois jours, il intrigue et fascine. Dans son rôle de résistant et de tacticien, il prêche consciencieusement la guérilla armée contre l’ennemi israélien. Cependant, il n’a pas les moyens de ses ambitions et s’enferme dans sa propre logique nationaliste, refusant tout parrainage arabe. À défaut d’avoir libéré la Palestine par les armes, il est contraint de trouver un compromis par la diplomatie avec Israël lors des accords d’Oslo en 1993. Suite à ces accords, il obtient le prix Nobel de la paix avec Yitzhak Rabin et Shimon Pérès en 1994. Prélude, d’un lent et progressif isolement sur la scène internationale et arabe au profit du mouvement islamique Hamas, partisan d’une lutte totale contre Israël.

Bibliographie :

  • Éric Roulleau, « Yasser Arafat à travers l’Histoire », Manière de voir Le Monde Diplomatique, Mars 2018, p47-51
  • Georges Corm, « Pensée et politique dans le monde arabe », La Découverte, 2015
  • Christophe Boltanski et Jihan El-Tahri, « Les sept vies de Yasser Arafat », Grasset, 1997
  • Alain Gresh, « De quoi la Palestine est-elle le nom ? », Actes Sud, 2012

Hafez al-Assad : père de la Syrie moderne

Au XXe siècle, la Syrie est au cœur des soubresauts de l’histoire régionale. La déliquescence de l’Empire ottoman pousse les populations locales à réclamer leur indépendance et à embrasser le rêve d’une nation arabe unie. Or très vite, les espoirs sont déchus sous la tutelle mandataire française entre 1920 et 1946. En plus d’amputer la Syrie avec la création du Liban, les autorités françaises régionalisent consciencieusement et méthodiquement les différentes communautés religieuses. En effet, le pays est composé de minorités kurdes, arméniennes, chrétiennes, chiites et d’une majorité sunnite.

À l’indépendance du pays en 1946, la Syrie et l’Égypte sont les fers de lance de la lutte contre l’État d’Israël. Cependant, l’instabilité politique prédomine en interne et 18 gouvernements se succèdent jusqu’à l’accession au pouvoir d’Hafez al-Assad en mars 1971. Stratège et militaire, il va faire de la Syrie un acteur incontournable du Moyen-Orient.

De sa formation militaire à sa formation politique :

Né en 1930 au sein d’une famille de 11 enfants, Hafez al-Assad appartient à la communauté alaouite, branche dissidente du chiisme. Il est scolarisé à l’âge de 9ans dans la grande ville côtière de Lattaquié. Assoiffé de connaissance, il choisit l’Académie militaire syrienne, seul moyen pour lui d’accéder à des études supérieures. En parallèle, il se passionne pour la politique et l’histoire de la région. Il est très tôt influencé par les penseurs du parti Baath, le chrétien orthodoxe Michel Aflak et le musulman sunnite Salah al-Din al-Bitar. D’obédience socialiste et nationaliste, ce parti prône une indépendance économique et politique vis-à-vis des puissances étrangères.

De surcroît, à l’instar de tous les Arabes de la région, il sacralise Gamal Abdel Nasser. Cependant, il entend ce battre pour le nationalisme syrien et espère refonder la Grande Syrie (Souria el Koubra en arabe), démembrée par les Occidentaux en 1920. Il s’imprègne également des textes du philosophe syrien Zaki al-Arzouzi, apôtre de l’arabisme, proclamant la régénération de l’identité syrienne.

Choisissant la carrière militaire, il excelle dans cette voie et se révèle être un officier brillant. Il intègre l’école militaire d’Homs, l’école militaire de l’air d’Alep puis le jeune Hafez part se perfectionner en Union soviétique pour suivre une formation de pilote de chasse pendant 11 mois.

À cette époque, le Moyen-Orient est en effervescence. La Syrie et l’Égypte s’unissent et forment la République arabe unie (cf article sur la République arabe unie). Hafez-al Assad est envoyé en tant qu’officier au Caire. Initialement partisan, il est très vite méfiant à l’égard du projet nassérien, il se sent humilié par l’arrogance des Égyptiens. Clandestinement avec plusieurs officiers, ils veulent mettre un terme à l’union entre les deux pays. Lors de l’éclatement de la RAU, il est brièvement emprisonné au Caire.

De retour en Syrie en 1961, aidé par son comité militaire d’officiers baathistes, Hafez al-Assad se mue en un fin stratège pour asseoir son autorité, stabiliser politiquement le pays et jeter les bases d’un État indépendant et puissant sur la scène régionale.

Son ascension au pouvoir : une méticuleuse éviction de ses opposants

Dans une Syrie instable, les gouvernements se succèdent au gré de plusieurs coups d’États. De surcroît, la question palestinienne et la lutte contre Israël cristallisent toutes les craintes et toutes les attentes.

Dès 1963, le Baath arrive au pouvoir et se rapproche du bloc soviétique en nationalisant des pans entiers de l’économie syrienne et en adoptant des politiques sociales. Hafez al-Assad est nommé chef d’état-major de l’armée de l’air en 1964. L’aile gauche du Baath fomente un coup d’État en 1966 et écarte tous les autres partis. Hafez al-Assad devient ministre de la Défense et en profite pour évincer de l’intérieur la vieille garde et ses opposants politiques.

Les tensions extérieures avec la guerre des six jours en 1967 contre Israël et le problème des réfugiés palestiniens accentuent la crise politique. Deux visions se font face. D’un côté les radicaux qui prônent l’action militaire, de l’autre les pragmatiques sous la houlette de Hafez al-Assad qui préconisent une retenue. Petit à petit, il tisse un réseau au sein même de l’armée. Il noyaute le baath et devient l’homme fort du parti. En novembre 1970, fort du soutien de l’armée, Hafez al-Assad se saisit du pouvoir et emprisonne le Président Noureddine al-Atassi ainsi que l’influent général Salah Jedid.

Hafez impose sa vision au sein du parti et son attachement au projet de la « Grande Syrie ». Son autorité et sa légitimité reposent sur le soutien indéfectible de son clan alaouite.

Un autoritarisme au service de son clan et de la stabilité du pays

Dans un pays multiconfessionnel comme la Syrie, Hafez al-Assad entend privilégier sa communauté alaouite. Représentant environ 10% de la population, cette minorité chiite a longtemps vécu marginalisée. Persécutés sous les Mamelouks du XIIIe au XVIe siècle, relégués au second plan sous l’Empire ottoman et abusés sexuellement jusque dans les années 1960, les Alaouites ne sont officiellement reconnus comme musulmans qu’en 1936. Ils sont méprisés par une partie des sunnites qui les assimilent à des mécréants. En effet, la réincarnation, la croyance en une trinité, la non interdiction de l’alcool et les célébrations de certaines fêtes chrétiennes attisent une certaine méfiance de la majorité sunnite. Le rite alaouite est apparu au XIe en Irak, il se concentre majoritairement sur le littoral syrien et s’étend jusqu’à Tripoli au Liban. De ce fait, l’ascension d’Hafez al-Assad à la tête de la Syrie est en quelque sorte la revanche de l’histoire de toute une communauté trop longtemps opprimée et délaissée.

Pour asseoir son autorité, il s’appuie sur l’armée, sur des groupes paramilitaires ainsi que sur un réseau de service de renseignement hautement hiérarchisé (moukhabarat en arabe). Pour étendre son pouvoir, il place des alaouites et des membres des minorités religieuses (chrétiens et ismaéliens notamment) à des postes clés. Hafez al-Assad continue méthodiquement les politiques de nationalisations et évince les libéraux qui sont obligés de fuir au Liban ou en Occident.

Or, sa légitimité est confrontée à la méfiance et à l’insubordination d’une partie des musulmans sunnites. Malgré quelques postes importants dans l’armée ou dans l’industrie, la majorité sunnite vit mal l’accaparement du pouvoir par les Alaouites. Pourtant, pour acheter la paix sociale Hafez al-Assad a fait construire des dizaines de mosquées, en prenant bien soin de contrôler les prêches des imams pour satisfaire la communauté sunnite. Cependant, les Frères musulmans, partisans d’un Islam radical et opposés à l’idée de nation, refusent l’autorité d’Hafez al-Assad. Cette opposition, alimentée par les monarchies du Golfe, entrave la stabilité politique du pays. Dès 1976, les Frères musulmans commanditent plusieurs attentats contre des casernes militaires et contre des personnalités politiques alaouites. Le Président Hafez al-Assad échappe à une tentative d’assassinat en 1980. En février 1982, Hafez al-Assad répond fermement et violement au danger de « cette gangrène islamiste » en bombardant scrupuleusement la ville d’Hama, principal foyer des Frères musulmans en Syrie.

Fermeté et stratégie du gouvernement Assad à l’étranger

Ayant stabilisé le pays à travers un vaste appareil d’État policier, Hafez al-Assad veut réhabiliter la Syrie sur la scène régionale. Ennemi invétéré d’Israël, il se lance dans la guerre du Kippour avec l’Égypte en octobre 1973 pour récupérer les territoires perdues lors de la guerre des six jours en 1967. Depuis cette humiliante défaite Israël occupe militairement le Golan syrien et le Sinaï égyptien. Simultanément les deux armées percent les défenses israéliennes en 48h. La contre offensive de l’armée israélienne est dévastatrice. Malgré leur supériorité en nombre, Égyptiens et Syriens sont défaits face à la supériorité tactique et technologique israélienne. Dès lors, les territoires occupés servent de chantage pour une normalisation des relations. En 1979, l’Égypte d’Anouar al-Sadate cède et signe un accord de paix avec Israël au sommet de Camp David en échange du Sinaï.

Malgré les nombreuses pressions américaines, Hafez al-Assad refuse catégoriquement de signer un accord de paix avec Israël en échange de la restitution du plateau du Golan. Compte tenu de ses richesses hydrauliques, ce territoire est l’une des priorités du gouvernement Assad.

De plus, Apôtre de la Grande Syrie, le Liban doit revenir dans le giron syrien. Selon sa fameuse formule « un seul peuple dans deux États », Hafez al-Assad profite de la guerre civile au Liban en 1975 pour avancer ses pions. Suite à une demande du gouvernement libanais, il intervient légalement dans le conflit à partir de 1976. Tantôt aux côtés des conservateurs chrétiens, Tantôt aux côtés des progressistes pro-palestiniens, Hafez al-Assad veille soigneusement qu’aucun des deux camps ne l’emporte. Le chaos libanais permet ainsi à l’armée syrienne d’installer un quasi-protectorat sur le pays du Cèdre.

Henry Kissinger, homme politique et diplomate américain, surnomma Hafez al-Assad le « Bismarck du Moyen-Orient ». Stratège et fin connaisseur des rouages de la vie politique internationale, Hafez al-Assad a su hisser la Syrie au statut de nation forte et indépendante malgré les convoitises et les nombreuses ingérences extérieures. Pragmatique et partisan de la Realpolitik, pour lui, seul le compromis avec « l’ennemi sioniste » était inenvisageable.

Bibliographie :

  • Pierre-Emmanuel Barral et Olivier Hanne, « La Grande Syrie », Éditions du Grenadier, 2016
  • Georges Corm, « Pensée et politique dans le monde arabe », La Découverte, 2015
  • Richard Labévière et Talal al-Atrache, « Quand la Syrie s’éveillera », Perrin, 2011
  • Patrick Seale, « Assad, the struggle for the Middle East », University of California Press, 2016
  • Fabrice Balanche, « Le cadre alaouite I. Alaouites : une secte au pouvoir », Outre-Terre, 2006/1 (n°14), p. 73-96

Saddam Hussein : la longue marche vers le pouvoir

Indépendant officiellement en 1932, l’Irak reste soumis aux ingérences britanniques. Londres établit plusieurs bases militaires et autorise les compagnies pétrolières à forer et à pomper l’or noir du pays. De surcroît, ce pays tribal sans aucune centralisation du pouvoir subit une forte régionalisation des différentes communautés. Les Kurdes vivent au Nord-Est dans la région d’Erbil, les Chrétiens sont installés depuis des siècles dans la plaine de Ninive, les Sunnites sont présents à l’Ouest et la majorité chiite à Bagdad et dans le Sud-Est du pays.

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, la nation irakienne vacille d’une influence à une autre. Pro-américaine dans les années 50, elle est assujettie au joug communiste la décennie suivante. Morcelé, divisé et en proie à des agitations internes, l’Irak doit attendre l’arrivée de Saddam Hussein à la tête du pays pour connaître une stabilité politique et un réel développement économique.

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D’une jeunesse instable à ses premiers pas en politique

Né en 1937 à Tikrit au nord de Bagdad, le jeune Saddam Hussein grandit au sein d’une famille paysanne sunnite, dépourvue de ressources. Orphelin, il est élevé par l’un de ses oncles maternels. Son enfance est à l’image de millions d’Arabes qui vivent loin des métropoles. Pauvre, il travaille et cultive les champs. Sa famille ne pouvant le scolariser, il décide donc de fuir à l’âge de 10 ans vers Bagdad. Au cours de sa fugue, il est accueilli par un membre de sa famille. Ce dernier l’emmène jusqu’à la capitale ou il finance ses études. En parallèle, Saddam exerce différents métiers. Tour à tour, il est chauffeur de taxi puis vendeur de cigarettes. De tradition sunnite, il n’est cependant pas pratiquant.

À 19 ans, en raison de la nationalisation du canal de Suez en 1956, il est témoin oculaire du bouleversement des équilibres préétablis dans la région. Cet évènement pousse tous les citoyens à embrasser le rêve d’une grande nation arabe indépendante. Saddam sacralise l’action de Gamal Abdel Nasser. C’est à cette époque, qu’il commence à entreprendre sa longue marche vers le pouvoir irakien. Il entre en contact avec les milieux nationalistes et milite clandestinement pour le parti Baath. Il étudie et s’imprègne des textes du chrétien orthodoxe Michel Aflak et du musulman sunnite Salah al-Din al-Bitar, fondateurs de ce parti socialiste arabe.

Or, les communistes du général Kassem prennent le pouvoir en 1958. Les nationalistes et les baathistes subissent des purges de la part des autorités irakiennes. Le pays est fragmenté. Il regorge une multitude de partis aux obédiences et aux influences extérieures antinomiques. En 1959, Saddam Hussein participe à la tentative d’assassinat du général Abdel Karim Kassem. Cette entreprise échoue. Blessé à la jambe, il fuit et se réfugie à Damas en traversant l’Euphrate à la nage.

L’influence idéologique du parti Baath :

Arrivé en Syrie en 1959, Saddam Hussein découvre avec satisfaction le succès de l’arabisme. En effet à cette période, la Syrie et l’Égypte ne forment qu’un seul pays (Cf article sur la République arabe unie). Il constate l’effervescence des foules face aux attentes d’une idéologie régionale ambitieuse. C’est au cours de son séjour à Damas qu’il rencontre le fondateur du parti Baath Michel Aflak. Tout au long de son parcours politique, il sera influencé par sa vision.

Le parti Baath (renaissance en arabe) a été fondé en 1944. D’obédience nationaliste et socialiste, il prône une indépendance politique et économique vis-à-vis des puissances étrangères. Fer de lance de l’arabisme, il entend placer l’arabité au dessus des appartenances religieuses en promouvant une laïcité à l’orientale. Néanmoins, selon ses fondateurs l’Islam « demeure l’âme de la nation arabe ». Le slogan du parti est « Unité, liberté, socialisme » (Wahdah, Hurriyah, Ishtirakiyah en arabe). Le jeune Saddam Hussein s’imprègne de ses principes et les érige en fondement même de sa future politique.

En 1960, il continue ses études de droit au Caire. Apprenant la réussite du coup d’État de février 1963 contre le général Kassem, il rentre au pays. Or très vite, il déchante devant l’amateurisme du nouveau général Aref. Ce dernier se retourne contre ses anciens partisans et instaure une dictature en chassant tous les membres du parti Baath irakien.

Clandestinement, Saddam Hussein organise et étend son influence sur le parti. Il s’attache à structurer un parti puissant fondé sur ses principes initiaux. Entre 1963 et 1968, il devient la tête pensante et agissante du parti. Civil, Saddam n’hésite pas à donner des conseils militaires aux soldats chevronnés. Dérangeant et perturbateur politique, il est emprisonné par les autorités centrales en 1964.

2 ans plus tard, il s’évade et décide de prendre le pouvoir. Il fomente avec ses partisans un coup d’État le 17 juillet 1968. Enfonçant la grille du palais présidentiel avec un char et vêtu d’un uniforme de lieutenant d’infanterie, à 30 ans le jeune Saddam Hussein scelle son destin à celui de l’Irak en renversant le gouvernement d’Abdel Salam Aref.

1968-1979 : Premier ministre réformateur

Ahmad Hassan al-Bakr s’empare du pouvoir suite au coup d’État de 1968. Saddam Hussein devient l’homme clé du gouvernement irakien. En tant que Premier ministre et vice président du conseil de commandement de la révolution (CCR), il s’empresse de créer une réelle structure d’État pour développer des pans entiers de la société. Saddam s’érige en bâtisseur et réformateur de la nation irakienne. Il met en place une révolution économique constructive et progressiste. N’étant pas un idéologue, il veut néanmoins façonner l’homme arabe en le faisant prendre consciences de ses atouts. Sa mission est de créer l’émergence d’une conscience nationale, patriotique et panarabiste au sein de chaque citoyen.

L’Irak est doté d’un sous-sol riche en hydrocarbures. Le gouvernement irakien nationalise le pétrole en juin 1972 et ordonne le retrait des compagnies étrangères. Les revenus pétroliers permettent ainsi aux autorités d’investir massivement dans l’agriculture, l’éducation mais surtout l’armée. Saddam Hussein modernise également l’industrie et fait de l’Irak l’étendard du renouveau arabe. Cependant, ce développement impressionnant inquiète les autorités israéliennes en raison de ses discours belliqueux pour la défense de la Palestine.

L’armée devient l’atout indispensable de Saddam Hussein, elle lui permet d’asseoir sa légitimité et d’accroître son influence. Il entend ainsi fédérer toutes les régions irakiennes sous le prisme de l’adhésion au parti Baath. Il veut faire de l’Irak tribal, un pays unifié et soudé sous l’emprise de son parti. Pour mater les volontés autonomistes kurdes au Nord-Est et les revendications politiques chiites, l’armée s’avère être un gage de stabilité dans un pays instable.

Chef de fil d’un nouveau panarabisme et ennemi invétéré du sionisme, Saddam Hussein soutient activement la Syrie dans la guerre du Kippour contre Israël en Octobre 1973. Il y envoie plus de 30 000 soldats et environ 300 véhicules blindés. Sans surprise, lorsqu’Ahmad Hassan al-Bakr se retire de la vie politique malade, Saddam Hussein lui succède en juillet 1979 et devient Président de la République d’Irak, Prédisent du commandement de la révolution et commandant en chef des armées.

L’affirmation de son pouvoir contre vents et marées

De vendeur de cigarettes dans les rues de Bagdad à la présidence de la République, Saddam Hussein est devenu l’homme fort de tout un pays. Il assoit son autorité en s’appuyant sur un régime autoritaire et policier. Toutefois, il redresse l’économie et modernise les infrastructures du pays. Cet incroyable essor alarme les autorités israéliennes et américaines sur ses desseins régionaux. Indépendant, le Président irakien est un électron libre sur la scène régionale et internationale.

Cependant en 1979, un cataclysme ébranle le Moyen-Orient. La révolution islamique d’Iran change la donne régionale. Esseulé, l’Iran chiite tente d’imposer les principes mêmes de sa révolution aux pays voisins, notamment à l’Irak qui est peuplé d’une majorité de chiites (55-60%). L’Occident finance, arme et pousse Saddam Hussein à se lancer dans une guerre pour stopper la contagion révolutionnaire iranienne. Dans ses discours, Saddam Hussein s’érige en défenseur de l’arabité contre l’Iran perse et essaye de former un front commun arabe. Les monarchies du Golfe entretiennent l’effort de guerre irakien. Or, ce conflit dure 8 ans (1980-1988) et se solde par statu quo qui laisse exsangue les deux pays avec d’innombrables pertes humaines. Au lendemain de la guerre, Saddam ordonne des purges et des massacres de Kurdes irakiens qui ont pactisé avec l’ennemi iranien.

D’une poigne de fer, Saddam Hussein a stabilisé et hissé l’Irak au statut de puissance arabe respectée et indépendante. Sa politique fédératrice et unioniste à l’échelle régionale sera confrontée aux soubresauts de l’Histoire. Instrument et vassal de l’Occident dans le dossier iranien, l’Irak deviendra peu à peu la cible de toutes sortes d’ingérences qui finiront par découdre méthodiquement le tissu social et détruire l’appareil étatique du pays.

Bibliographie :

  • Saïd-K Aburish, « Le vrai Saddam Hussein », Editions Saint-Simon, 2002
  • Georges Corm, « Pensée et politique dans le monde arabe », La Découverte, 2016
  • Charles Saint-Prot, « Saddam Hussein, un gaulliste arabe ? », Albin Michel, 1987
  • Elisabeth Picard, « L’Iraq de Saddam Hussein : de l’ambition modernisatrice à la logique sécuritaire », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, 1991

1 septembre 1969 : le révolutionnaire libyen Mouammar Kadhafi entre dans l’Histoire

Malgré son indépendance en 1951, la Libye demeure un pays qui attise les convoitises. En un siècle, ce territoire quasi-désertique est passé sous le joug de l’Empire ottoman, de l’Italie de Mussolini puis de la Grande-Bretagne. Le pétrole, sa superficie et son identité africaine et arabe intéressent les puissances néocoloniales.

Le roi libyen de l’époque, Idriss Ier, n’est pas en mesure de s’opposer aux desseins des Britanniques et des Américains. Sa posture conciliante et passive à l’égard des compagnies pétrolières et la présence de bases militaires étrangères provoque un sentiment d’humiliation au sein d’une frange de la population libyenne. Influencé et marqué par l’aura et le charisme de Gamal Abdel Nasser en Égypte, un petit groupe d’officiers sous la houlette de Mouammar Kadhafi va chambouler le cours de l’Histoire régionale.

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L’ascension d’un jeune bédouin :

Né en 1942 et issu d’une famille bédouine de la Tripolitaine (l’ouest de la Libye), Mouammar Kadhafi hérite d’une culture rudimentaire et tribale. Il commence sa scolarité à l’âge de 9 ans en quittant le foyer familial. Pauvre, il dort et étudie la majorité du temps dans l’une des mosquée de la ville de Syrte. Fidèle au dogme musulman, il apprend le Coran. Féru d’histoire et de lecture, il admire le Général de Gaulle et Mao Zedong mais il se passionne et se fascine pour les actions de Gamal Abdel Nasser. Le Raïs égyptien est son guide spirituel. Il étudie son livre « La philosophie de la Révolution » rédigé en 1952 et voit en lui l’incarnation d’un modèle, d’un exemple à suivre pour chaque habitant de la région. Sans même le connaître il marche sur ses pas.

Comme Nasser, il intègre une école militaire en 1963. Petit à petit, le jeune Mouammar Kadhafi s’engage dans des actions politiques. Il distribue des brochures nassériennes et créé une cellule clandestine pour organiser des opérations révolutionnaires contre le pouvoir monarchique du roi Idriss Ier. Malgré l’indépendance du pays en 1951, la Libye reste soumise aux intérêts des puissances étrangères. La Grande-Bretagne lorgne sur les richesses pétrolières du pays et les Américains installent une base militaire « Wheelus Field » pour contenir l’influence de l’Égypte dans la région.

Très vite, il cherche à rassembler un noyau dur de révolutionnaires en vue de renverser le régime pro-occidental. Il scrute les moindres faits et gestes de ses collaborateurs afin de jauger leur fidélité et leur loyauté. Compte tenu de la présence étrangère en Libye à cette époque, le pays est un nid d’espions. Mouammar Kadhafi s’inspire du coup d’État de 1952, lorsque les Officiers libres égyptiens déposent le roi Farouk.

Coup d’État et panarabisme

Le refus d’Idriss Ier de soutenir militairement l’Égypte et la Syrie dans le conflit contre Israël en 1967 conforte Mouammar Kadhafi dans sa volonté de prise du pouvoir. Initialement adepte d’une révolution populaire globale, il en est dissuadé par la présence militaire étrangère. Avec son groupe des Officiers unionistes libres, il fomente et choisit  méticuleusement le jour du coup d’État.

Dans la nuit du 31 août au 1 septembre 1969, Mouammar Kadhafi et ses hommes investissent plusieurs lieux stratégiques du pouvoir à Tripoli et à Benghazi. Le prince héritier et les principaux chefs du gouvernement sont arrêtés et ce, sans effusion de sang. À 27ans seulement, Mouammar Kadhafi annonce la fin de la monarchie et proclame l’avènement de la République arabe libyenne.

De manière précoce, le jeune colonel libyen a déposé le régime pro occidental. Il s’empresse d’aligner sa politique sur celle de Gamal Abdel Nasser. Le nouvel homme fort de la Libye s’érige en porte parole du panarabisme. Lors de tous ses discours, il vante les mérites d’une union des peuples arabes pour faire poids contre le sionisme et les politiques néocoloniales. Ses gesticulations juvéniles, son insouciance politique lui valent la sympathie des nationalistes arabes et inquiètent les monarchies régionales (les pays du Golfe et le Maroc). Chantre d’un renouveau, il souhaite régénérer et dynamiser la nation arabe après les échecs du nassérisme. Il reprend les rênes d’une idéologie chancelante en tentant d’y apporter une nouvelle conception.

Gamal Abdel Nasser dira avant de mourir en 1970 : « Je vais vous quitter demain… Je sens en moi une force nouvelle, un sang nouveau… Je sens que la nation arabe se reconnaît en vous et qu’elle a retrouvé sa détermination. Je vous quitte en disant : Mon frère Mouammar Kadhafi est le dépositaire du nationalisme arabe, de la révolution arabe et de l’unité arabe ».[1]

Nationalisation et expulsion des forces étrangères

Dès sa prise de fonction, Mouammar Kadhafi fait de la nationalisation des richesses pétrolières un impératif. En septembre 1973, le pétrole libyen est nationalisé et les compagnies étrangères doivent quitter le territoire. Cette action coup de poing parachève un peu plus la mise en place de son idéologie panarabe. Il considère le pétrole comme une arme économique au service du politique contre les gouvernements occidentaux qui soutiennent l’État d’Israël.

De surcroît, il exige le départ des troupes américaines en Libye. En effet depuis 1943, l’administration américaine a installé une base militaire en Libye pour contenir dans un premier temps les avancées de l’armée allemande en Afrique du Nord. Cette base, abritant 4000 soldats ainsi que 6000 fonctionnaires et leurs familles, est devenue ultérieurement un centre de renseignement ultra-moderne pour endiguer l’influence de Nasser dans les pays arabes. En 1970, les forces américaines quittent le pays, suivi des 20 000 expatriés italiens qui géraient plusieurs commerces sur le littoral.

Le renvoi des étrangers est consubstantiel avec l’idée que Kadhafi se fait d’une nation. Il embrasse la volonté d’épurer la société arabe de toute influence étrangère. Par ses actions, il entend montrer l’exemple à toute la nation arabe.

Une politique étrangère révolutionnaire

Avec l’avènement de la République arabe libyenne en 1969, Mouammar Kadhafi mène une politique étrangère active. Il est sur tous les fronts. Rêvant d’unir une grande nation arabe, le jeune colonel entreprend un projet d’unification en 1973 avec l’Égypte puis avec la Tunisie. Pourtant, les deux projets ne voient pas le jour. En effet, Boumediene en Tunisie et Sadate en Égypte refusent l’union avec la Libye. Son rêve échoue en raison de sa propre logique. Sa politique brouillonne et précipitée inquiète ses voisins. Les contentieux sont d’ordre idéologique. Kadhafi veut imposer un Islam pur et originel donc divergeant du panarabisme des premières heures de Gamal Abdel Nasser, qui faisait de l’arabité le seul facteur commun.

Il théorise son idéologie dans son « Livre vert », publié en 1975 en s’inspirant du « Petit livre rouge » de Mao Zedong. Kadhafi veut créer ce qu’il appelle une « troisième théorie » indépendante des influences communistes et capitalistes. Il ambitionne de mettre l’Islam au centre de la nation arabe et de « réislamiser » les musulmans. Cette théorie est décriée dans le monde arabe pour sa radicalité et ses incohérences.

Pour autant, il ne s’éloigne pas de l’héritage nassérien, il reprend la politique « des trois cercles » : le monde musulman, l’Afrique et le monde arabe. Il entend nouer des relations avec les pays africains pour les éloigner d’Israël. C’est une réussite, plusieurs États africains rompent leurs relations diplomatiques avec Tel-Aviv. En 1973, lors de la guerre du Kippour entre l’Égypte, la Syrie et Israël, il envoie plusieurs régiments suppléer les armées égyptiennes et syriennes. De surcroît dans sa logique révolutionnaire, il aide tous les mouvements opposés à l’impérialisme occidental. En effet, fort de sa manne pétrolière, Kadhafi soutient l’armée républicaine irlandaise (l’IRA) dans sa lutte contre la Grande-Bretagne. C’est une réponse directe aux ingérences anglaises dans le monde arabe.

Perturbateur international, mégalomane, provocateur ou visionnaire, Mouammar Kadhafi endosse plusieurs rôles en un. Il aspire à devenir le digne successeur de Gamal Abdel Nasser et d’étendre son influence au sein du monde arabe. Or, il sera vite confronté au poids encombrant de ses ambitions, à la méfiance des chancelleries arabes et aux intérêts antinomiques de l’Occident.

Bibliographie :

  • Mirella Bianco, « Kadhafi, le messager du désert : biographie et entretiens », Broché, 1974
  • Mouammar Kadhafi, « Le Livre vert », Broché 2015
  • Olivier Carré, « Le Nationalisme arabe », Fayard, 2014
  • Georges Corm, « Pensée et politique dans le monde arabe », La Découverte, 2016

[1] Discours de Gamal Abdel Nasser à Benghazi en juin 1970.

La République arabe unie : éphémère espoir du panarabisme

Lorsque le journaliste français Jacques Benoit-Méchin avait demandé en 1958 à Gamal Abdel Nasser « Vous pensez créer un Empire panarabe. N’est-ce pas une forme d’impérialisme ? » Le Raïs égyptien rétorqua « Du tout, je ne veux pas forger un Empire, je veux amener une nation à prendre conscience d’elle-même (…) je ne veux rien conquérir d’étranger à la nation arabe. Je veux en rassembler les membres qui, une fois rassemblés, n’auront pas besoin d’un espace vital supplémentaire… Je ne suis pas un conquérant »[1].

Au lendemain de la nationalisation du canal de Suez en 1956, l’idéologie panarabe de Nasser jouit d’un prestige qui dépasse de loin les frontières des jeunes États-nations du monde arabe. Politique ô combien fédératrice à l’échelle de la région, le nassérisme était malheureusement englué dans des contentieux interarabes pour des questions de gouvernance et de leadership.

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Emblème de la République arabe unie

Nasser : l’Homme de la nation arabe

Lorsque Nasser décida de nationaliser le canal de Suez le 26 juillet 1956, la faible armée égyptienne, mal équipée et peu expérimentée devait se défendre contre l’agression tripartite israélienne, française et anglaise qui voulait mettre fin au processus de nationalisation. Face à cette intervention illégale, les deux grandes puissances de l’époque (URSS et Etats-Unis) font pression afin de stopper les hostilités. À défaut d’être une victoire militaire, c’est une victoire psychologique retentissante pour tout le monde arabe. Nasser devient l’Homme que toute une région attendait. Enfin, un chef d’État arabe avait compris les attentes de la rue. Nasser auréolé de sa victoire, est sacralisé du Caire à Bagdad en passant par Beyrouth et Damas.

En effet, cette nationalisation vient de mettre fin à un siècle et demi d’interventionnisme occidental au Moyen-Orient. À lui seul, cet événement redore une dignité et une fierté trop souvent délaissées au profit des intérêts des grandes puissances.

De surcroît, indépendamment de la création des États-nations arabes, l’aura et le charisme de Nasser transcende et dépasse de loin le cadre égyptien. Les portraits du Raïs sont présents dans toutes les capitales arabes. Orphelin et exploité, le peuple arabe a enfin trouvé son leader. Ce dernier galvanise les foules à chacun de ses discours, et fait l’objet d’un culte de la personnalité. Nasser a bien compris les rouages du leadership oriental. Ses discours sont bien ficelés et dénoncent les injustices et exactions commises par l’ennemi israélien ou par les politiques néocoloniales occidentales. Militaire, il épouse expressément les codes et les manières d’un homme fort à l’écoute de son peuple et de toute une région.

Faisant office d’exemple à l’échelle du Moyen-Orient, l’influence de l’Égypte est telle que, plusieurs États arabes veulent embrasser le nassérisme et tenter un projet d’unification.

Le rêve d’une nation arabe :

Les indépendances des États arabes (voulues et orchestrées par les puissances occidentales afin de diviser la région) sont un frein au panarabisme. Les anciennes puissances tutélaires s’opposent farouchement à tout projet d’union des pays arabes. Car, une nation arabe unie ferait automatiquement contrepoids à l’influence occidentale[2].

Or, compte tenu du rayonnement du nassérisme et des difficultés internes en Syrie, Damas, sous la houlette du penseur orthodoxe et fondateur du parti Baath Michel Aflak, choisit de se rapprocher du Caire.

En effet, depuis l’indépendance de la Syrie en 1946, le pays est englué dans une série de coups d’États, de luttes ministérielles et de tensions économico-sociales. Pour Damas, le tropisme nassérien n’est pas un choix par défaut mais plus une réelle volonté de stabilité et d’unification. L’Irak quant à elle, fait le choix d’un alignement pro-américain en rejoignant le pacte de Bagdad en 1955 (groupe d’États proches des Etats-Unis et luttant contre l’expansion de l’union soviétique au Moyen-Orient).

Dès 1957 le maréchal Abdel Hakim Amer, proche conseiller de Nasser, devient le commandant en chef des armées syriennes et égyptiennes. Cette imbrication est consubstantielle aux desseins de la politique étrangère des deux pays : la lutte contre l’État d’Israël. Les contacts entre les deux pays s’accentuent afin de discuter des modalités de l’unité. Pour Nasser, c’est un moyen de polariser et d’imposer ses vues au Moyen-Orient. Le Raïs veut mettre l’Égypte au centre de la nation arabe. De ce fait, il ordonne la dépolitisation de l’armée syrienne, ainsi que la création d’un parti unique calqué sur le modèle égyptien. De son côté le Président syrien, Choukri Al-Kouatli, tergiverse de peur de perdre toutes ses prérogatives au profit de l’Égypte.

Finalement, un accord est signé le 31 janvier 1958 et la République arabe unie voit le jour. Elle est composée d’une région Nord (la Syrie) et d’une région Sud (l’Égypte), le Yémen du nord est également rattaché à la République mais son statut reste secondaire.

La même année, toute la région est en ébullition. La rue arabe n’est pas insensible aux sirènes du panarabisme. En raison de la primauté de l’arabité, c’est une idéologie qui fédère au delà des différences communautaires et religieuses. En effet en 1958, le « petit voisin » libanais plonge dans une guerre civile. Les partisans du nassérisme veulent le rattachement à la nouvelle République arabe unie alors que les loyalistes du Président Camille Chamoun prônent l’indépendance du Liban. L’intervention américaine en 1958 met fin aux affrontements et empêche par la même occasion le Liban de rallier la jeune nation arabe. Le nouveau Président libanais, Fouad Chehab, rencontre symboliquement Nasser à la frontière syro-libanaise afin d’entériner ce dossier et de promouvoir la bonne entente entre les deux entités.

De son côté, l’Irak pro américain, tente vainement une union avec la Jordanie en 1958 pour contrebalancer les objectifs nassériens. Après le coup d’État nationaliste d’Abdel Karim Qassim la même année, Bagdad est prête à rejoindre la République arabe unie. Mais en raison des animosités politiques entre baathistes, nationalistes et communistes et des menaces extérieures, cet élargissement demeure utopique. L’Irak reprend quelque peu la sémantique et l’idéologie panarabe à partir de 1963 et ce jusqu’en 1991. L’Irak arbore 3 étoiles sur son drapeau national, symbolisant les trois principales régions arabes d’Égypte, de Syrie et d’Irak.

« Les Arabes se sont mis d’accord pour ne pas se mettre d’accord »

Cette phrase prophétique d’Ibn Khaldoun, sociologue arabe du XIVème siècle, résume à elle seule les difficultés de l’éphémère République arabe unie.

Très vite, l’effervescence des premiers jours laisse place à la désillusion et aux mésententes. L’Égypte de Nasser polarise et monopolise les principales fonctions alors que les Syriens sont cantonnés à un rôle secondaire. Nasser impose ses vues et ordonne la démission des ministres baathistes syriens, jugés trop opposés à la politique nassérienne. En effet, sous le prisme de la République arabe unie plusieurs idéologies panarabes se confrontent. D’une part le Nassérisme qui souhaite mettre l’Égypte au centre de la nation arabe et d’autre part le parti Baath, qui lui a une vision plus égalitaire du projet.

De ce fait, des tensions entre Égyptiens et Syriens apparaissent et soigneusement entretenues par des puissances extérieures[3]. Chaque pays est enraciné dans ses propres particularités. Bien qu’Arabes, les Égyptiens se réfèrent à leur égyptianité et les Syriens à leur syrianité.

Soumis à une bureaucratie autoritaire et à des politiques de nationalisations, certaines franges de la bourgeoisie syrienne décident de migrer vers l’Occident. De plus, le poids oppressant des nouvelles réformes, le manque de concertation et l’omnipotence du Caire ravivent les pensées nationalistes à Damas. En conséquence, le 28 septembre 1961, plusieurs généraux de l’armée syrienne fomentent un coup d’État et mettent fin à l’éphémère expérience de la République arabe unie.

L’idéologie du panarabisme qui a tant galvanisé les foules après la nationalisation du canal de Suez en 1956, se trouve fragilisée après l’échec retentissant de la République arabe unie. Nasser a certainement sous estimé la complexité de ce projet. Il était lui même victime de son propre succès et n’avait pas les moyens de ses ambitions[4].

Encore aujourd’hui, bien que vacillant, le panarabisme continue d’animer les attentes et les envies de certains citoyens du Moyen-Orient. Son discours résonne avec nostalgie et est repris par tous les dirigeants du monde arabe pour asseoir leur leadership et leur légitimité.


[1] Gilbert Sinoué, « L’Aigle égyptien Nasser », Tallendier, 2015

[2] Charles Saint-Prot, « Le mouvement national arabe : Émergence et maturation du nationalisme arabe de la Nahda au Baas », Broché, 2013

[3] Yves Gonzalez-Quijano, « Les territoires perdus de l’arabisme », Vacarme, 2017/1 (n°78)

[4] Jean Lacouture, « Nasser », Paris, Seuil, 1971

La nationalisation du canal de Suez en 1956 : Nasser fait rentrer l’Homme arabe dans l’histoire contemporaine

Depuis environ 2 siècles, l’Égypte est au cœur des intérêts des grandes puissances. Après l’expédition de Napoléon Bonaparte en 1798, Français et Anglais s’intéressent au territoire égyptien. C’est au XIXème siècle qu’émerge l’idée de la construction du canal de Suez. Pensé par le Français Ferdinand de Lesseps, ce projet doit permettre de raccourcir les routes commerciales vers les Indes (éviter de contourner tout le continent africain). Son inauguration 1869 parachève officieusement la mainmise économique occidentale sur l’Égypte.

En 1882, l’Égypte devient un protectorat britannique. Petit à petit, tous les secteurs de l’économie y compris l’armée, sont sous la tutelle anglaise. Officiellement indépendante en 1932, la monarchie égyptienne reste soumise aux intérêts des anciennes puissances tutélaires. L’arrivée de Gamal Abdel Nasser à la tête du pays en 1954 va changer le cours de l’histoire nationale et régionale.

L’arrivée au pouvoir de Nasser

Issu d’une famille paysanne, Gamal Abdel Nasser intègre en 1936, à l’âge de 18ans, l’académie militaire du Caire. Très vite, il s’oppose à la monarchie égyptienne, qu’il juge inféodé à Londres malgré l’indépendance de façade. En 1945, il crée le mouvement des Officiers Libres avec plusieurs membres de l’armée égyptienne. Ce mouvement vise à faire pression sur le roi Farouk et empêcher les Anglais de poursuivre leurs ingérences dans les affaires intérieures égyptiennes. Leur but ultime est d’instaurer une politique nationale et en finir avec les visées impérialistes de la couronne britannique.

Avec les Officiers Libres, Nasser organise un coup d’État et renverse la monarchie du roi Farouk en 1952. Mohammed Naguib, co-meneur du mouvement, accède au pouvoir et devient le Président de la République d’Égypte. Nasser, alors Premier ministre adjoint, propage entre temps ses idées et son idéologie à travers son livre «La philosophie de la Révolution » et en créant une radio à destination de toute la région « La Voix des Arabes » en 1953. Fort de son aura et de son charisme, Gamal Abdel Nasser évince Naguib, jugé proche des Frères musulmans et devient le Raïs (Président ou chef en arabe, désigne également un haut dignitaire ottoman). Son prestige dépasse le cadre ethnique du monde arabe. Il est accueilli à la conférence de Bandung en 1955, comme leader incontesté des peuples du Tiers-monde.

Son ascension fulgurante et son influence régionale inquiètent la France, la Grande-Bretagne et Israël et ce, pour des raisons différentes. En affirmant la nécessité d’unir le monde arabe et de s’opposer contre les colonisateurs, Nasser s’attaque ainsi aux intérêts occidentaux. En adepte du panarabisme, il défend la cause de l’indépendance de l’Algérie et offre une base arrière au FLN dans sa lutte contre la France. De surcroît, ardent défenseur de la cause palestinienne, il fait de la lutte contre Israël est de ses impératifs.

Nationalisation du canal de Suez

Gamal Abdel Nasser a de grands projets économiques et veut que l’Égypte jouisse de ses propres ressources. Il sait pertinemment qu’il doit utiliser la richesse des eaux du Nil pour développer son pays. Pour activer la transformation économique et agricole, il souhaite construire un barrage à Assouan. Celui-ci lui permettra d’étendre l’irrigation et de produire de l’électricité pour le pays. Cependant, ce projet est coûteux. Il demande aux Etats-Unis une aide financière qui ne lui est pas accordée. Dès lors, il décide de financer la construction du barrage avec les redevances de la nationalisation du canal de Suez. L’ancienne compagnie universelle du canal de Suez profitait largement aux Anglais et Français, mais très modestement aux Égyptiens.

Le 26 juillet 1956, devant une foule en liesse à Alexandrie, Gamal Abdel Nasser annonce la nationalisation du canal de Suez. « Aujourd’hui, ce seront des Egyptiens comme vous qui dirigeront la Compagnie du Canal, qui prendront consignation de ses différentes installations, et dirigeront la navigation dans le Canal, c’est-à-dire, dans la terre d’Egypte. »[1]

Son discours est écouté et réécouté en boucle par tous les Égyptiens. Il fait consensus auprès des partisans et adversaires du régime. Nationalistes, communistes et islamistes approuvent et félicitent cet acte fondateur dans l’histoire contemporaine de l’Égypte. La nationalisation est l’expression d’une volonté d’indépendance vis à vis des puissances européennes, mais également un message et un appel au Tiers-Monde : il est temps que les peuples anciennement colonisés s’affranchissent des chaînes du passé.

 Cette initiative est perçue comme une véritable humiliation par la France et la Grande Bretagne qui percevaient d’importants droits de péage sur cette voie maritime entre la Méditerranée et la Mer rouge. À Paris et à Londres, on déplore ce « coup de force » du « dictateur mégalomane », on diabolise Nasser en l’assimilant même à un Hitler arabe.

Agression tripartite contre l’Égypte

Dans ce contexte tendu, Français et Anglais veulent se venger et rappeler à l’Égypte la hiérarchie des puissances. L’ancien colonisé ne peut pas s’en prendre à l’ancien colon. Les représailles ne tardent pas, les avoirs égyptiens sont gelés et toutes les aides supprimées.

Conjointement, Israël, la France et la Grande Bretagne préparent une intervention militaire en Égypte et songent même à envahir la Jordanie. Le plan Mousquetaire débute le 29 octobre 1956 par l’envoi de troupes terrestres israéliennes dans le Sinaï. Français et Britanniques bombardent l’aviation égyptienne et envoient des parachutistes à Port Saïd. D’un point de vue militaire, c’est une victoire écrasante de l’alliance tripartite sur la jeune nation égyptienne. La quasi-totalité du Sinaï est occupée ainsi que Gaza. Cependant, cette agression est stoppée par un ultimatum de l’URSS et des Etats-Unis. En effet, au lendemain de la seconde guerre mondiale, les deux grandes puissances de l’époque sont opposées à toute guerre contre un pays tiers. Les hostilités cessent le 5 novembre 1956.

De fait, Israël est obligé d’évacuer le Sinaï et Gaza en contrepartie d’un libre accès de ses navires dans le Golfe d’Aqaba.

Gamal Abdel Nasser sacralisé dans le monde arabe

Nasser sort auréolé de cette victoire, bien que battu militairement. Cet événement dépasse de loin le cadre des frontières égyptiennes. Dans une période de décolonisation et d’émergence de la pensée tiers-mondiste, ce succès trouve écho aux quatre coins du monde. L’aura et la popularité de Nasser sont alors à son paroxysme. Les rues arabes placardent des affiches du Raïs égyptien de Damas à Bagdad en passant par Manama et Beyrouth. Son portrait remplace celui de Mossadegh, ancien Premier ministre iranien, qui avait été injustement démis de ses fonctions par l’opération américaine Ajax en 1953[2]. Il donne un second souffle à la lutte pour l’indépendance des peuples.

Son discours résonne à l’échelle du tiers-monde comme le signe annonciateur d’un retour de la dignité des peuples colonisés. Son aura outrepasse le cadre géographique du monde arabo-musulman et balaye fermement les revendications impérialistes dans cette région. Plus qu’un modèle, il est sacralisé à l’échelle de toute une région. En effet, les Arabes voient en Nasser l’homme pouvant  redonner une fierté et une dignité trop souvent bafouées. Nasser acquiert des responsabilités à l’échelle de tout un peuple.

Fer de lance du panarabisme, l’Egypte redevient le centre du monde arabe. L’agression tripartite de 1956 est une traduction militaro-politique qui revêt une dichotomie propre à la région : le sionisme contre le panarabisme, le colonisateur contre le colonisé. L’Histoire retiendra cet événement comme un acte fondateur qui s’enracine dans les consciences et les esprits de chaque citoyen arabe[3].

Face à ce séisme politique qui engendre une euphorie régionale, un diplomate américain de l’époque écrit : « Si Nasser se présentait aujourd’hui pour la Présidence, au Liban, en Syrie ou en Jordanie, il serait élu à l’unanimité. »[4]


[1]https://www.youtube.com/watch?v=9l-eURwziuc&feature=share&fbclid=IwAR2hM72ZnYZTXeCl2_rfPKwH0CPfiVYVyVXGja2HGZuCxnQMcxeIllJ4S6U

[2] Olivier Carré  « Le nationalisme arabe », Fayard, 1993

[3] Georges Corm « Pensée et politique dans le monde arabe : contextes historiques et problématiques, XIX-XXIème siècle », La Découverte, 2015

[4] Jean Lacouture, « Nasser », Paris, Seuil, 1971