Les Etats-Unis et le pétrole : une longue histoire d’amour

En Octobre 2019, des blindés américains ont été envoyés dans le Nord-Est de la Syrie afin de sécuriser les puits de pétrole. Dans son style brutal et transparent, le Président Donald Trump l’a confirmé sans équivoque « We’re keeping the oil in Syria »[1].

Cette relation passionnelle entre la première puissance mondiale et l’or noir est bien antérieure à l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche. Le pétrole est une matière première indispensable pour l’économie d’un pays. Pourtant selon les récentes estimations, les Etats-Unis ont plus exporté du pétrole qu’ils n’en ont importé et sont devenus les premiers producteurs, en raison du forage et de l’abondance du gaz de schiste. La dépendance au pétrole du Moyen-Orient s’en trouve donc réduite.

Or, 47,7% des réserves prouvées de pétrole se situent dans cette zone[2]. Compte tenu de l’importance du pétrole dans l’économie mondiale, le Moyen-Orient reste indispensable pour l’approvisionnement énergétique des grandes puissances.

Retour sur une histoire sans ambiguïté entre l’administration américaine et l’or noir au Moyen-Orient.

Description : Macintosh HD:Users:alexandreaoun:Desktop:130314223747-79-iraq-war-horizontal-large-gallery.jpg

Ruée vers l’or noir :

Les Etats-Unis s’intéressent au Moyen-Orient et ce, depuis la découverte des gisements de pétrole dans les années 1920. Des équipes sont envoyées sur place pour l’exploration, l’étude du potentiel pétrolier et gazier et afin de concurrencer les compagnies européennes. Or, ces dernières se désintéressent du désert saoudien. C’est à cette époque, qu’une petite compagnie américaine débute l’exploitation des gisements pétroliers de Hassa à l’est du pays.

Soucieux de leur approvisionnement en pétrole, les Américains nouent des relations de plus en plus régulières avec le régime saoudien. En 1933, l’Arabie saoudite accorde des concessions pétrolières à la Standard Oil Company of California. Dès 1944, ils signent un consortium pour l’exploitation exclusive de l’or noir du royaume, c’est la naissance de la fameuse Aramco (Arabian American Oil Company).

Consciente de sa supériorité technologique et militaire, l’administration américaine offre ses services pour le forage et le pompage des zones pétrolifères au Moyen-Orient en échange d’une protection militaire en cas de conflit. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les jeunes monarchies du Golfe s’empressent de se rapprocher des Etats-Unis pour ainsi asseoir leurs indépendances.

À l’opposé, d’autres pays de la région cherchent à jouir pleinement de leurs ressources. C’est le cas de l’Iran, avec le Premier ministre Mohammed Mossadegh qui nationalise le pétrole en 1951. Suite à cette démarche, il est démis de ses fonctions par un coup d’État ourdi par les services secrets britanniques et américains en 1953. Cet événement a des répercussions à l’échelle régionale. Dans les années 60-70, Saddam Hussein en Irak, Hafez Al-Assad en Syrie et Mouammar Kadhafi en Libye nationalisent des pans entiers de leur économie au détriment des compagnies occidentales.

Le pétrole, prétexte d’ingérence économique :

  • En Irak :

Malgré le soutien sans faille de l’Occident et des monarchies du Golfe, l’Irak sort ruiné de sa guerre contre l’Iran (1980-1988). Sa dette extérieure est considérable, les infrastructures pétrolières sont en partie détruites et sa production ne lui permet pas d’avoir des revenus suffisants. De plus, en augmentant conjointement leur production, certains pays de l’OPEP (l’Organisation des pays exportateurs de pétrole) en particulier l’Arabie saoudite, le Koweït et les Émirats arabes unis, , font chuter le prix du baril ce qui accentue les difficultés économiques du pays.

De ce fait, l’Irak poussée par un impératif économique vital, lorgne sur le Koweït qui faisait partie de son territoire à l’époque ottomane[3]. Ce n’est pas la première fois que des dirigeants irakiens ont voulu récupérer cette région, ayant un accès direct à la mer et riche en hydrocarbures.

Selon certaines sources, les Américains donnent l’aval à Saddam Hussein pour envahir le Koweït[4] en 1990. Or, une fois les troupes irakiennes présentes sur place, une coalition menée par les Etats-Unis rassemble plus de 940 000 hommes de 34 pays, dont 535 000 Américains[5]. C’est une défaite retentissante pour l’armée de Saddam Hussein. Les bombardements de la coalition ont ciblé principalement les infrastructures économiques et pétrolières du pays.

Après la guerre, l’ONU sous la pression des Etats-Unis décrète un embargo total sur le pétrole irakien. Le pays est littéralement exsangue. Les sanctions appauvrissent la population locale et obligent plusieurs milliers de familles à fuir le pays. La décennie 90 est catastrophique d’un point de vue humanitaire. Environ 1 million de personnes sont mortes en raison de la dureté des sanctions. De surcroît, les difficultés économiques plongent le pays dans un repli communautaire, entretenu par les officines de propagande américaine.

  • En Syrie :
Description : Macintosh HD:Users:alexandreaoun:Desktop:Capture d’écran 2020-02-23 à 18.14.54.png

Dès le début du conflit en Syrie en 2011, les Etats-Unis et l’Onu imposent des sanctions sur le pétrole syrien. Ce dernier représente environ ¼ des revenus du gouvernement de Damas. À l’échelle mondiale, la production pétrolière syrienne est modeste mais elle permet au pays de subvenir à ses propres besoins.

De plus, la Syrie se trouve impliquée dans différents projets régionaux de gazoducs. Dès 2009, le Qatar propose via les entreprises Qatar Petroleum et l’Américain d’Exxon-Mobile East Marketing Limited Company d’acheminer du gaz vers l’Europe en passant par l’Arabie saoudite, la Jordanie et la Syrie. Ce projet n’est pas accepté par Damas, en raison de ses affinités avec la Russie. En effet, si ce projet avait été accepté, l’Europe aurait eu une alternative au gaz russe. Cependant, Bachar Al-Assad accepte le projet iranien de l’Islamic Gaz pipeline (IGP) en 2011[6]. Ce projet de gazoduc transite par l’Irak et la Syrie avant de desservir le marché européen. Les Monarchies du Golfe qui se sont vus refuser leur proposition, ont été les premiers financeurs et soutiens des djihadistes en Syrie dès 2011 avec l’aval des chancelleries occidentales et notamment américaines.

Le pétrole, prétexte d’intervention militaire

  • En Irak :

Suite aux attentas du World Trade Center du 11 septembre 2001, les États-Unis utilisent cet événement à des fins de politique extérieure au Moyen-Orient. La guerre contre le terrorisme est un moyen durable de s’ingérer dans la région. En effet, en accusant fallacieusement l’Irak de détenir des armes de destruction massive et de soutenir les terroristes d’Al Qaeda, l’armée américaine envahit unilatéralement l’Irak en 2003. 

Officieusement, l’intervention militaire américaine est dictée par un impératif, celui de sécuriser son approvisionnement en pétrole. En effet, à cette époque l’Irak est le 4ème producteur de la planète. Les troupes américaines sont envoyées dans le Nord du pays, dans la région de Kirkouk, territoire où se trouve la majeure partie des réserves de pétrole d’Irak. En mettant la main sur les hydrocarbures, les Etats-Unis mettent automatiquement sous tutelle un pays dépendant de ses exportations pétrolières.

  • En Syrie :

Officiellement, la présence de forces spéciales américaines et occidentales dans le Nord-Est du pays sert à aider et soutenir les forces démocratiques kurdes. Officieusement, c’est pour empêcher les forces du gouvernement syrien de sécuriser leurs puits de pétrole et de reconquérir la totalité de son territoire. À chaque fois que l’armée syrienne tente de se rapprocher des zones pétrolifères, la coalition, menée par les Américains, bombarde les positions syriennes.

« Nous n’avons pas besoin du pétrole du Moyen-Orient »[7] déclare Donald Trump dans son discours au lendemain des frappes iraniennes suite à l’assassinat du général Qassem Souleimani le 3 janvier 2020. Son pays aurait atteint l’indépendance énergétique. Malgré ses affirmations, les Etats-Unis sont toujours dépendants du pétrole du Moyen-Orient et ce, en raison des risques de pénurie de leur propre production sur le long terme.

La sécurisation des puits de pétrole en Syrie, en Irak et en Arabie saoudite a un double objectif politique et énergétique. En prenant possession des ressources pétrolières d’un pays, ils peuvent à terme le contraindre à revoir sa politique régionale et à adopter une posture plus conciliante à l’égard des Etats-Unis.  


[1] https://abcnews.go.com/Politics/keeping-oil-syria-trump-considered-war-crime/story?id=66589757

[2] https://www.connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/reserves-de-petrole-dans-le-monde

[3] https://www.lesclesdumoyenorient.com/Revendications-irakiennes-sur-le.html

[4] Robert Fisk, « La grande guerre pour la civilisation, l’Occident à la conquête du Moyen-Orient (1979-2005) », La Découverte, 2005

[5] https://www.monde-diplomatique.fr/mav/120/A/46973

[6] https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/04/12/les-pipelines-et-les-gazoducs-sont-ils-a-l-origine-de-la-guerre-en-syrie-comme-l-affirme-jean-luc-melenchon_5110147_4355770.html

[7] https://www.rtbf.be/info/economie/detail_les-etats-unis-n-ont-ils-vraiment-plus-besoin-du-petrole-du-moyen-orient?id=10403497

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *